L’Union européenne vient de suspendre partiellement son soutien budgétaire au WWF, accusé de bafouer les droits des indigènes Baka dans le massif forestier de Massok Dia, au Congo-Brazzaville.
Des écogardes armés, financés en partie par le groupe WWF pour protéger la faune sauvage dans le bassin du Congo, ont-ils battu et intimidé des centaines de pygmées Baka vivant au plus profond des forêts tropicales ? Un rapport du Programme des nations unies pour le développement (PNUD) dévoilé en janvier par le Guardian répondait clairement par l’affirmative. Ces constatations ont conduit l’Union européenne à suspendre son appui à la création du parc naturel de Messok Dja. Bruxelles va en outre passer au crible ses financements aux aires protégées en Afrique centrale. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Une équipe d’enquêteurs envoyée dans le nord du Congo par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour évaluer les allégations de violations des droits de l’homme a recueilli des preuves « crédibles » de différentes sources selon lesquelles des chasseurs-cueilleurs de la tribu Baka, vivant à proximité du projet de parc national, ont été victimes de violences et d’abus physiques de la part des gardes pendant des années. Les allégations, rapportées aux Nations Unies l’année dernière, incluaient que des membres de la tribu Baka avaient été battus par les écogardes, que des hommes Baka avaient été inculpés et emprisonnés illégalement, que des expulsions sommaires de la forêt avaient été effectuées, que des biens avaient été brûlés et détruits, et que de la nourriture avait été confisquée.
En outre, l’unité de conformité sociale et environnementale du PNUD a appris que les écogardes auraient traité les hommes Baka comme des « sous-hommes » et humilié certaines femmes Baka en les forçant à se déshabiller et à « être comme des enfants nus ».
Le rapport indique : « Ces passages à tabac se produisent lorsque les Baka sont dans leurs camps le long de la route ainsi que lorsqu’ils sont dans la forêt. Ils touchent les hommes, les femmes et les enfants. D’autres rapports font état d’écogardes pointant un fusil sur un Baka pour le forcer à en battre un autre et de gardes emportant les machettes des Baka, puis les battant avec ces machettes.
« Il y a des rapports selon lesquels des hommes Baka ont été emmenés en prison et des tortures et des viols ont été commis en prison. La veuve d’un homme Baka a raconté que son mari avait été si maltraité en prison qu’il était mort peu après sa libération. Il avait été transporté à la prison dans un véhicule marqué par le WWF ».
De son côté, le WWF plaide que « Avec la destruction et le pillage des forêts, ce sont à la fois leurs moyens de subsistance et les éléments fondamentaux de leur culture qui disparaissent ». L’ONG explique en particulier qu’une énorme pression subsiste sur les forêts du bassin du Congo pour répondre à la demande croissante de la population, notamment urbaine, en viande de brousse. Les forêts en dehors des zones protégées ont été quasiment vidées, privant les Baka de leurs moyens de subsistance dans leurs zones de chasse traditionnelle. Parallèlement, la pression des activités de chasse augmente sur les zones protégées. C’est la raison pour laquelle le WWF cherche à mettre en œuvre, en collaboration avec les populations locales, une gestion responsable de la chasse dans les zones tampons autour du projet à Dzanga-Sangha. Mais les actions d’éducation au respect de l’environnement et en faveur de l’acquisition de règles communautaires de gestion responsable de la chasse ne portent leurs fruits que lentement. Notamment à cause de braconniers sans scrupules qui vident les forêts pour alimenter le commerce illégal d’espèces sauvages, privant ainsi les populations de leurs moyens de subsistance. Ainsi, afin de faire appliquer les lois concernant la protection des espèces et des ressources naturelles, le WWF « soutient les écogardes de l’Etat. Cela peut être source de conflits, en particulier parce que les braconniers utilisent de plus en plus des Baka pour le braconnage d’éléphants ».
Pour l’ONG Survival International, qui lutte depuis de longues années contre les actions du WWF en Afrique, la décision de l’Union européenne constitue une victoire. « Pendant cent ans, la conservation de la nature en Afrique a été imposée aux populations locales par des Européens arrogants dans leur conviction qu’ils savent mieux que quiconque comment prendre soin du monde naturel,déclare sa représentante Flore Longo. C’est une erreur, mais ce n’est que maintenant, sous la pression d’une campagne publique intense, que cela commence à être reconnu et, espérons-le, pris en compte. Nous espérons que cette décision constituera un précédent pour les innombrables programmes similaires imposés aux communautés locales par des organisations de protection de la nature occidentales. »
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