Caractéristiques des zones tropicales humides, bercées par les marées, les mangroves sont une niche écologique et rendent quantité de services, mais elles sont défrichées pour construire des bassins à crevettes ou servir de bois de chauffage.
La mangrove est « une forêt qui se développe dans les zones côtières des régions tropicales et subtropicales », de l’Australie, l’Indonésie et des Philippines jusqu’en Amérique centrale ou la côte brésilienne, en passant par l’Inde, Madagascar ou encore le Niger et la Tanzanie, décrit à l’AFP François Fromard, directeur de recherche CNRS. Les palétuviers, arbres caractéristiques de la mangrove, poussent « dans la zone de balancement des marées », en général dans la vase, poursuit-il. Ils supportent donc l’eau salée et d’être partiellement immergés par les marées mais ont aussi besoin d’eau douce venue de l’amont des rivières. Les mangroves, encore mal connues, peuvent être mal considérées et vu comme « des lieux sans intérêt (…) avec des moustiques et de la vase », poursuit le spécialiste en écologie tropicale. « Pourtant, c’est une niche écologique magnifique, souligne Jacques Iltis, géographe à l’IRD. Si le nombre d’espèces de palétuviers, 60 à 70 à travers le monde, est relativement limité par rapport à d’autres types de forêts, la faune y est riche. C’est une zone de reproduction, de nurserie et de refuge à l’abri des prédateurs pour beaucoup d’espèces », des crustacés, des batraciens, des poissons, des oiseaux mais aussi des mammifères. Le tigre du Bengale s’y cache au Bangladesh, l’ibis rouge y vit en Amérique du Sud et les mangroves de Madagascar abritent des espèces endémiques comme l’aigle-pêcheur de Madagascar, en danger critique d’extinction.
Les mangroves recèlent encore d’autres richesses. Une expérimentation est menée à Mayotte où elles servent de « filtre » des eaux usées domestiques, indique Emma Michaud, chercheuse CNRS en écologie marine. Les palétuviers permettent aussi de lutter « contre l’érosion côtière ou contre les événements climatiques extrêmes », comme des ouragans ou des tsunamis, en atténuant la force des vagues, indique François Fromard. Les mangroves sont de formidables puits de carbone, encore plus que la forêt tropicale, contribuant ainsi à lutter contre le réchauffement climatique. Pourtant, leur surface dans le monde recule et serait passée de 200.000 km2 avant le début de la dégradation par l’homme, à environ 140.000 km2 aujourd’hui, calcule François Fromard. Une cause importante est « le développement de l’élevage de crevettes à grande échelle, poursuit-il, par exemple en Indonésie, en Malaisie ou aux Philippines. Dans certaines régions, la mangrove est remplacée à 80% par des bassins à crevettes », constate-t-il. La mangrove peut également être remplacée par de la riziculture ou les palétuviers coupés pour en faire du bois de chauffage ou de construction. Le changement climatique ne va pas être sans conséquence sur cet écosystème, avertit encore Jacques Iltis. Avec la montée du niveau de la mer, « certains arbres vont être mal à l’aise, prédit-il. Alors que les ouragans et les cyclones devraient devenir plus puissants à l’avenir, la mangrove est d’autant plus indispensable », souligne le géographe.