Espèce invasive? Les Néerlandais se prennent le bec au sujet des perruches

Photo © Dennis Jacobsen-Fotolia

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Le plumage vert vif des perruches à collier est devenu familier dans bien des villes du Vieux Continent. Mais aux Pays-Bas, où le nombre de ces volatiles exotiques explose, un débat fait rage sur leur nuisance, ravivé par un récent classement de ces oiseaux parmi les 100 espèces les plus invasives.

Près de 15.000 de ces perruches nichent dans les villes néerlandaises alors qu’elles ne sont qu’environ 10.000 en France, un pays quinze fois plus grand que les Pays-Bas, selon des estimations d’ornithologues. Avec leur apparence exotique, elles inspirent la sympathie des promeneurs dans les parcs. Mais de nombreux Néerlandais n’en peuvent plus: elles pillent les nids des sittelles, hiboux ou chauves-souris, abîment les arbres fruitiers, abrègent les grasses matinées du dimanche avec leurs jacassements incessants… « Des habitants envisagent même de déménager à cause du vacarme infernal qu’elles font, s’exclame le juriste Wilfred Reinhold, qui bataille contre ces perruches afro-asiatiques avec l’association qu’il a fondée en 2006 pour lutter contre la présence des espèces invasives exotiques aux Pays-Bas. Ces oiseaux sont bien jolis mais ils provoquent de nombreux dégâts », fustige-t-il au pied du parlement néerlandais à La Haye, l’oeil sur des bourgeons de marronniers mangés ou abîmés. L’histoire court même qu’un débat au sein de la chambre basse avait, un jour, dû être interrompu à cause des cris des perruches installées dans les arbres au pied du bâtiment, rapporte M. Reinhold. Récemment, les habitants d’une rue huppée du centre-ville, bordée d’ambassades et proche du palais royal, se sont plaints d’excréments de perruches qui recouvraient la rue, une photo qui s’est étalée dans les médias locaux. Comme à Londres ou à Paris, la perruche à collier se multiplie dans les zones urbaines néerlandaises depuis cinq décennies. Des scientifiques européens la font figurer dans leur liste des 100 espèces les plus invasives, publiée en décembre dans la revue Biological invasions. 

Cet oiseau vert au bec rouge est toutefois encore absent de la liste officielle de l’Union européenne qui recense une cinquantaine de plantes et animaux exotiques nuisibles, dont la population doit être contrôlée dans tous les Etats membres.

A Amsterdam, où niche une des plus grandes colonies des Pays-Bas, la mairie a mis en place une interdiction de nourrir les oiseaux dans certains quartiers, notamment pour cantonner l’évolution des perruches. Les contrevenants s’exposent à une amende de 70 euros. « C’est le seul moyen d’empêcher que l’espèce ne se multiplie davantage, car elles ont besoin de la nourriture qu’elles trouvent dans les mangeoires des habitants pour traverser l’hiver », explique M. Reinhold.vA Leiden (ouest), la plus ancienne colonie de perruches à collier des Pays-Bas peut compter sur Roelant Jonker pour trouver à manger durant les mois de disette. Dans le jardin de ce biologiste, les oiseaux viennent quotidiennement picorer des graines de tournesols déposées avec soin dans une mangeoire en bois.vBien qu’allergique au plumage de ces volatiles, M. Jonker, spécialiste des perroquets, multiplie les voyages dans le monde pour plaider la cause de certains oiseaux en voie de disparition et aider à leur réintroduction. « Affirmer que les perruches nuisent aux autres espèces est tout simplement faux, lance-t-il. Certes, elles sont plus puissantes que les petits oiseaux européens, mais leur présence n’a aucun impact écologique sur la croissance des populations des oiseaux indigènes », affirme le biologiste.

Les perruches à collier sont arrivées du Pakistan en Europe il y a plusieurs décennies. Quelques dizaines ont été importées depuis ce pays asiatique dans les années 1960, particulièrement au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, et placées dans les volières de riches particuliers. Mais certaines se sont alors échappées et se sont multipliées dans les zones urbaines, attirées par la nourriture. Elles ont donné naissance à une « diaspora » qui ne cesse de grandir. Cette évolution n’est qu’une mutation de plus dans la nature qu’il faut « accepter », estime Roelant Jonker, l’oeil pétillant à la vue d’une perruche faisant son nid dans un arbre. « Ces bouleaux ont bien été importés par les Romains. Aujourd’hui, ils sont une partie intégrante du paysage néerlandais. Dans une génération, il en sera de même pour les perruches à collier, souligne-t-il. Le changement est la seule constante de la nature ».