Des cargaisons de bois d’Amazonie ont été exportées dans plusieurs pays par une entreprise brésilienne accusée d’être impliquée dans le massacre de neuf paysans le 19 avril, selon un rapport rendu public mardi 21 novembre par Greenpeace.
L’organisation écologiste Greenpeace a organisé une protestation afin de marquer symboliquement son accusation, en dressant des dizaines de croix blanches devant le Parlement à Brasilia. « Aux personnes à travers le monde qui achètent du bois (de ces entreprises brésiliennes incriminées), écoutez-moi bien : cela va vous coûter le prix du sang de quelqu’un. Peut-être le mien, celui de mes camarades ou de mes amis déjà partis. Nous ne voulons pas mourir pour défendre la forêt », a déclaré iselda Pereira Ramos, une agricultrice de l’état de Rondonia (ouest du pays), présente pour dénoncer la situation. Pour l’ONG, l’achat de « bois teinté de sang » par des pays comme la France et les États-Unis illustre le manque de régulation qui permet l’impunité des responsables de la déforestation du « poumon de la planète ». Romulo Batista, spécialiste de l’Amazonie au sein de Greenpeace Brésil, déclare à l’AFP qu’en 2016, 61 meurtres avaient été commis au nom de conflits terriens ou en lien avec la protection forestière dans le pays, dont les trois quarts en Amazonie, un record déjà battu en septembre de cette année.
Dans son rapport, Greenpeace cite un grand nombre d’exportations en provenance de la compagnie Madeireira Cedroarana dans les mois qui ont suivi le massacre. Les autorités brésiliennes accusent le propriétaire de cette entreprise, Valdelir Joao de Souza, d’avoir envoyé un escadron de la mort surnommé « les encagoulés » attaquer de petits paysans occupant des terres riches en bois qu’il convoitait, dans l’État du Mato Grosso (Centre-Ouest). Les victimes ont été torturées puis tuées par balles ou à l’aide de machettes. Le chef d’entreprise est en cavale, mais « ses exportations de bois continuent sans entrave, comme Greenpeace l’a constaté sur le terrain en juillet 2017 », affirme le rapport. L’ONG a indiqué que des compagnies de France, des États-Unis et des Pays-Bas étaient les principaux importateurs du bois de Madeireira Cedroarana l’an dernier. D’autres clients ont été localisés en Belgique, au Canada, en Allemagne, en Italie et au Japon. « Le jour-même du massacre, l’entreprise a envoyé des cargaisons de bois aux États-Unis et en Europe », souligne le rapport. Ce massacre de neuf paysans vivant dans une zone rurale isolée était particulièrement sordide, mais il est passé relativement inaperçu dans un pays qui recense près de 60.000 homicides par an. « Cette violence brutale montre le quotidien des communautés rurales du Brésil, notamment dans la région amazonienne, où de violents conflits pour la terre sont monnaie courante, explique le rapport. Beaucoup de morts auraient pu être évitées si le problème de l’exploitation illégale de bois avait été pris au sérieux par le gouvernement brésilien ces dernières décennies », ajoute Greenpeace. Pour l’ONG, la responsabilité des entreprises étrangères est aussi engagée, les normes américaines et européennes sur les importations de bois étant selon elle rarement appliquées.