Le Vanneau Sociable livre ses secrets

Photo d'illustration ©Sanjeev Kumar Goyal - Wikimedia - Licence CC4.0

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Le Vanneau Sociable est passé de l’un des échassiers les plus méconnus du monde à l’un des plus étudiés. Il est aujourd’hui considéré comme une espèce phare pour la conservation des steppes d’Asie centrale. Dans un article, Birdlife International revient sur 15 ans de recherches approfondies menées pour percer les mystères de cet oiseau.

Autrefois dispersé entre l’Ukraine, la région du Xinjiang en Chine, jusqu’au sud de la Sibérie, le Vanneau Sociable (Vanellus Gregarius) a vu son aire de répartition fortement diminuer au XIXe siècle en raison de la conversion des terres. En 2004, l’ONG de protection des oiseaux Birdlife International a classé cette espèce dans la catégorie « en danger critique d’extinction », à la suite d’un grave déclin de la population. Certains rapports suggéraient à cette époque que seulement quelques centaines de couples reproducteurs pourraient survivre. Depuis 15 ans, de nombreuses recherches approfondies ont été menées, faisant passer le Vanneau Sociable de l’un des échassiers les plus méconnus du monde, à l’un des plus étudiés. Birdlife International revient sur ces années de travaux.

En mai 2005, des scientifiques de l’Association pour la conservation de la biodiversité au Kazakhstan (ACBK, partenaire de BirdLife), de la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB, BirdLife au Royaume-Uni) et des étudiants en recherche d’Allemagne et du Kazakhstan ont tenté de localiser le plus grand nombre de colonies de Vanneaux sociables possible. L’équipe avait pour objectif de recueillir des données vitales sur l’espèce et d’examiner les mesures de conservation d’urgence. Les scientifiques se sont penchés sur la localisation des Vanneaux ainsi que sur l’utilisation de protection de nids pour réduire le piétinement par le bétail, facteur majeur du déclin de la population. Les recherches ont révélé que le succès de la reproduction n’était pas aussi mauvais qu’estimé auparavant et que de nombreux nids de Vanneaux sociables que l’équipe avait trouvés étaient en train d’éclore. « La phase de recherche suivante a consisté à capturer et à équiper les poussins de combinaisons uniques de bagues de couleur afin de pouvoir les observer pour estimer leur taux de survie », explique Birdlife. Au début de l’été, les Vanneaux Sociables ont commencé à former des volées post-nuptiales avec une forte proportion d’oiseaux bagués. « Les mêmes niveaux relativement élevés de succès de reproduction ont été observés les années suivantes, mais les résultats ont commencé à montrer que la survie des adultes était faible ». Cependant, rien n’indiquait une source de mortalité élevée sur les lieux de reproduction. Le déclin de la population de Vanneaux devait alors venir d’ailleurs.

Des chercheurs internationaux se sont par la suite beaucoup intéressés à l’espèce lors de sa migration vers le sud. Plusieurs équipes ont remarqué que les populations n’étaient pas si faibles qu’estimé auparavant. En février et mars 2007, jusqu’à 2 000 individus ont été enregistrés en Syrie. En octobre de la même année, 3 200 Vanneaux ont été observés dans la région de Ceylanpinar à la frontière syrienne, démontrant une fois de plus que la population n’était pas aussi faible qu’on le craignait.  « Des enquêtes ultérieures ont confirmé que cette zone, située de part et d’autre de la frontière turco-syrienne, est un site d’escale essentiel pour l’espèce au printemps et à l’automne », souligne l’ONG.

Aujourd’hui, la situation du Vanneau sociable n’est pas aussi catastrophique qu’en 2004. La population mondiale pourrait être d’environ 24 000 individus. Pour autant, cette espèce reste en déclin. « Les données de chasse enregistrées dans plusieurs pays le long de la voie de migration occidentale, combinées au faible taux de survie annuel estimé à partir des données de survie à long terme, semblent indiquer que la principale menace pesant sur le Vanneau sociable est l’abattage illégal », précise Birdlife. L’ONG ajoute que les changements d’utilisation des terres peuvent également constituer une menace importante.

Des données de suivis à long terme montrent qu’en septembre 2010, le nombre maximum d’oiseaux recensés en un seul jour était de 1070 contre quatre oiseaux en 2019. Sur les sites de reproduction du Kazakhstan, les enquêtes répétées en 2018-2019 ont trouvé un maximum de 15 nids, contre 83 à 126 nids dans la même zone d’étude en 2005-2011. « On ne sait pas dans quelles mesures ces déclins sur les sites de reproduction et sur la voie de migration occidentale sont représentatifs de la population mondiale, mais ils sont préoccupants. Il semble que ce mystérieux vagabond des steppes soit confronté à des pressions dans toutes les parties de sa vaste aire de répartition et son histoire est loin d’être terminée ».