Changement climatique: des maires accusés d’avoir la tronçonneuse facile

Photo d'illustration ©-awsloley-de-Pixabay

1781
⏱ Lecture 3 mn.

Plus de 70.000 signatures contre l’abattage de hêtres dans un village eurois, une opposition municipale qui s’enflamme à Caen contre celui de 45 tilleuls : des maires sont accusés de priver la population d’îlots de fraîcheur en coupant des arbres.

Un vent de révolte souffle contre des maires accusés d’avoir la tronçonneuse facile et de priver la population d’îlots de fraîcheur face au réchauffement climatique. « Pourquoi couper 167 arbres quand l’Office national des forêts (ONF) préconise d’en abattre 30?« , répète inlassablement Adrien Brunet, un étudiant en comptabilité de 21 ans, à l’origine d’une pétition lancée en novembre contre un projet de la mairie de son village, Le Neubourg (Eure). Les 70.000 signataires demandent à cette commune de 4.300 habitants de renoncer à abattre la totalité des hêtres de « l’allée du champ de bataille » fermée par la ville pour risques de « chute d’arbres« . Sollicitée par l’AFP, la mairie n’a pas donné suite. Dans un document public, elle souligne « l’état sanitaire global très médiocre » des hêtres et promet de les remplacer.

« Quand des arbres sont malades, on les remplace progressivement. On ne fait pas table rase. Un arbre ne meurt pas du jour au lendemain. Il peut mettre 20 ans à mourir« , s’agace André Berne, vice-président de France nature environnement Normandie (FNE), interrogé par l’AFP. « Déjà les gens sont confinés pour le Covid. Il faut leur laisser un peu de verdure, le chant des oiseaux qui nichent dans les grands arbres« , renchérit-il. Pour cet ingénieur des eaux et forêts, comme pour Adrien Brunet, les motivations de la mairie pourraient être financières. Selon des devis adressés à la mairie du Neubourg dont l’AFP a eu une copie, l’abattage de 167 arbres coûte deux fois moins cher que celui de 30, les arbres sains récupérés par l’entreprise ayant une valeur marchande.

Une réunion est prévue en mairie le 12 mai avec FNE et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), une association créée fin 2019 qui affiche 3.000 membres. La justice administrative doit examiner l’affaire sur le fond dans les prochains mois après le rejet d’un recours en référé des deux associations. L’allée constituant l’habitat de deux espèces d’oiseaux protégées, « nous n’hésiterions pas » à citer la mairie « devant le tribunal correctionnel« , ont averti en outre la Ligue de protection des oiseaux, le GNSA et FNE dans un courrier à la commune. Selon les associations, la mairie avait bouché les trous où nichaient des volatiles avant de les remettre en état face à la protestation. Le Neubourg n’est pas un cas isolé. A Rennes, Rouen, Gien (Loiret) et Draveil (Essonne), la justice administrative a même donné tort ces dernières années à des maires qui avaient abattu des arbres ou projetaient le faire.

A Caen lundi, le conseil municipal s’est enflammé pendant plus d’une heure après l’abattage de 45 tilleuls en centre-ville, soit bien plus que ne le préconisait l’ONF, un projet contesté de longue date dont l’exécution a « choqué« . « Le 23 février, au petit matin, au beau milieu de vacances scolaires, vous avez fait procéder à l’abattage d’une cinquantaine d’arbres sur la parcelle destinée à votre centre commercial, dans le plus grand secret, avec un impressionnant dispositif policier« , a déploré le conseiller municipal EELV Rudy L’Orphelin. Et d’attribuer au maire LR Joël Bruneau, « une manie de la tronçonneuse » qui va « multiplier les îlots de chaleur » dont « nous aurons tous à subir les conséquences« , dans un « contexte de changement climatique« . Une vingtaine d’arbres avaient déjà été abattus sur la même place lors du précédent mandat de M. Bruneau, selon EELV. « Plus de la moitié des 45 arbres étaient en ‘mauvais état phytosanitaire’« , a répondu Julie Calberg-Ellen, adjointe LREM à la transition écologique, citant l’ONF et soulignant la volonté de la ville de végétaliser quatre hectares de bitume. La cour administrative d’appel de Nantes doit examiner prochainement l’affaire après le rejet par le tribunal administratif de Caen d’un recours déposé notamment par M. L’Orphelin.