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Trois questions à Sylvain Godin, administrateur national du réseau Perdrix-faisan de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) – FNC – FDC.

ANES : l’ONCFS vient de commenter les résultats des comptages de perdrix grises en France et la situation est plutôt mauvaise… Pourquoi ?

Sylvain Godin : nous observons une dynamique de déclin des perdrix grises depuis plusieurs années. 2008 avait été la première mauvaise année de reproduction depuis 1991, et depuis la situation se dégrade. Avant, il y avait des fluctuations, mais les années se compensaient, on trouvait un certain équilibre. Désormais, nous avons quelques bonnes années, mais qui ne suffisent plus à compenser le déficit de nouveaux individus dans la population. Pour estimer l’indice de reproduction de la perdrix grise on procède à des échantillonnages de terrain durant l’été : des professionnels vont échantillonner au moins 30% du nombre de poule présentes au printemps, en comptant à la fois le nombre de poussins observés et le nombre de poule, accompagnées par des petits ou non.

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L’indice de reproduction correspond au nombre total de poussins divisé par le nombre total de poules observées. En-dessous de 3,5 poussins par poule à la fin de l’été, on considère que l’année a été plutôt mauvaise en termes de reproduction. Une bonne année, c’est au-dessus de 5,5 poussins par poule. En 2016, il n’y a eu que 1,6 jeunes par poule à la fin de l’été ! En 2018, l’indice est moyen : 4,1 poussins par poule. Mais on est sur une tendance globale de dynamique de population à la baisse.

Les raisons de ce déclin sont encore mal connues. Il est difficile de mettre en avant un facteur plus qu’un autre. Déjà, cette dynamique de population déclinante ne semble pas être lié au taux de survie.  des perdrix : au cours des 30 dernières années, celui-ci n’a pas changé, nous sommes toujours à un taux de mortalité entre 62 et 63%. Parmi les facteurs de déclin, on peut citer les intempéries. En 2018 l’été sec aurait pu favoriser une très bonne reproduction, mais, durant les quinze premiers jours de juin, il y a eu des pluies diluviennes entraînant des inondations sur certains secteurs, à des moments critiques de la reproduction. Mais il y a d’autres facteurs qu’on n’explique pas. Normalement les perdrix peuvent faire des pontes de recoquetage, c’est-à-dire que si elle perd ses œufs tôt, elle est capable d’établir un second nid qui va éclore plus tard. Or on observe de moins en moins de ces pontes de recoquetage permettant de compenser les pertes, et nous n’en connaissons pas la cause. Il y a donc un faisceau de facteurs impactant l’indice de reproduction des perdrix grises, et il est difficile d’en extraire un prépondérant… 

ANES : quelle est la situation pour le faisan, une autre espèce suivie par l’ONCFS ?

Sylvain Godin : la situation n’est pas du tout la même pour le faisan, dont l’indice de reproduction est autour de 5 jeunes par poule à la fin de l’été. En partenariat avec des élevages, l’ONCFS a réussi à réimplanter des populations sauvages. Nous capturons des faisans adultes sauvage qui sont conservés par les élevages pour de la reproduction. Les jeunes faisans issus des pontes, qui ont un comportement très proche de celui des faisans totalement sauvages, sont ensuite lâchés quand ils ont plusieurs semaines. Une expérimentation est en cours pour voir si le même protocole pourrait être mis en place pour la perdrix grise. Nous travaillons avec un Conservatoire qui a récupéré des perdrix sauvages et cherche à voir si un meilleur indice de reproduction est possible au sein d’un élevage. Dans la plupart des élevages, les couples sont forcés, mais dans ce cas des études ont été menées pour savoir si, en laissant les couples se former d’eux-mêmes, on arrivait à une meilleure reproduction. C’en est au stade expérimental, il n’y a pas eu d’étude sur la réussite des lâchers de ces individus issus du conservatoire.

ANES : quel est le rôle du réseau Perdrix-Faisan dans la conservation de la perdrix grise ?

Sylvain Godin : l’ONCFS, la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) et les Fédérations Départementales des Chasseurs (FDC) partenaires du réseau suivent différentes populations de perdrix grise dans le centre et nord de la France. Ce sont les fédérations qui assument la plus grande charge de suivi de terrain et l’ONCFS analyse ces données pour établir un état des populations. Ce réseau Perdrix-Faisan de l’ONCFS-FNC-FDC permet d’avoir des informations sur les densités de perdrix et faisan, sur leur reproduction mais permet aussi d’identifier les pistes d’étude pour aider à aboutir à une meilleure connaissance de l’espèce et permettre à terme une bonne conservation. L’espèce étant inféodée aux milieux agricoles, c’est le réseau Agrifaune qui travaille avec les agriculteurs et les Fédérations de chasse sur de « bonnes pratiques » : par exemple, laisser un certain couvert végétal ; éviter d’avoir un sol complètement nu à la sortie des moissons. En ne touchant pas aux bordures de champs et en y replantant des fleurs sauvages, on favorise aussi la biodiversité et on permet aux oiseaux d’y pondre, et aux poussins, de se nourrir. 

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Propos recueillis
par Jean-Baptiste Pouchain