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Trois questions à Gérard Romiti, Président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins

ANES : Vous avez signé mardi avec l’Agence française pour la biodiversité (AFB) une convention qui vise à prendre en compte les activités de pêche professionnelle et d’élevages marins dans la gestion des aires marines protégées, et au-delà dans l’ensemble des politiques publiques de protection du milieu marin. Pour les pêcheurs, c’est un pacte avec le diable, non ?

Gérard Romiti : Pas du tout. Ce n’est pas une collaboration facile, et d’ailleurs les pêcheurs ne sont pas toujours des gens faciles, parce qu’ils défendent leur métier, mais nous avons besoin de créer de la confiance mutuelle. Ce que je veux faire ressortir avec cette convention, c’est qu’il faut que les terriens prennent conscience qu’ils polluent la mer. Le contraire est vrai aussi, mais ce sont beaucoup plus les pollutions terrestres qui ont un impact sur la mer que les activités maritimes elles-mêmes ! Par ailleurs, je suis convaincu que le pêcheur de demain sera un ingénieur des mers, qui connaîtra parfaitement sa biodiversité, sa biomasse. A mes yeux, le premier pêcheur, à l’origine des temps, était un écolo sans le savoir ! Du reste, nous n’avons pas attendu cette convention pour travailler avec l’Agence des aires marines protégées, dont l’AFB est l’héritière. Nous avons contribué à la naissance des parcs naturels marins. Celui du Cap-corse, et je m’en réjouis, été créé en trois ans, alors qu’il faut en général dix ans pour y parvenir ! J’ai vu en trente ans notre métier totalement bouleversé, par les changements générationnels bien sûr, mais encore plus par les évolutions du matériel. Aujourd’hui un chalutier contient autant d’électronique qu’un Boeing. Encore faut-il savoir s’en servir…

ANES : La convention contient dont un volet formation ?

Gérard Romiti : C’est un point à mes yeux essentiel, au bénéfice des deux parties ! Les pêcheurs sont les sentinelles de la mer : ils peuvent recueillir des observations dans le but de faire progresser la connaissance. Pas besoin d’être un grand scientifique pour prélever une bouteille d’eau à la sortie d’un estuaire ! Et puis, il faut faire progresser la connaissance des professionnels, en s’appuyant sur ce que j’appelle un savoir-faire empirique qui doit être transmis aux générations futures. Toutes ces observations qui jusqu’ici étaient visuelles ou orales doivent être désormais écrites, consignées, formalisées. Je vais vous raconter une anecdote : mon grand-père m’avait toujours dit qu’en bas de notre maison au Cap-corse, il y avait une faille de près de 60 mètres avec énormément de langoustes. Beaucoup plus tard, avec mon bateau équipé de sondes 3D, j’ai décidé d’aller sonder. Et j’ai trouvé la faille : avec son fil et une pierre attachée au bout, il me l’avait pratiquement dessinée ! Ces savoirs-là il est impératif de les transmettre. Ils font partie de notre patrimoine commun !

ANES : L’autre actualité de la pêche, c’est le débat sur la pêche électrique. Quelle est la position du CNPEM sur ce point ?

Gérard Romiti : Elle est claire : nous n’en voulons pas ! Et j’espère que le parlement européen ira au bout de sa démarche et parviendra à l’interdire. Il faut bien comprendre que ce sujet est d’autant plus compliqué qu’il se conjugue avec le Brexit. Notre crainte c’est que demain les armateurs hollandais, qui pratiquent aujourd’hui ce type de pêche, concluent des accords avec les Anglais, qui ne seront pas soumis aux mêmes réglementations que nous…

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko