« Nous sommes inquiets pour les forêts de protection »

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Trois questions à Michaël Weber, Président de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France (FPNRF)                             

ANES : La Fédération des Parcs naturels régionaux a vivement réagi au projet de décret sur le statut des forêts de protection. Quels sont vos griefs ?

Michaël Weber : Je ne parlerais pas de griefs, mais de très sérieuses inquiétudes. De quoi s’agît-il ? De donner aux préfets la possibilité d’autoriser des activités d’exploitation minière au cœur des forêts de protection ! Or ce statut de « forêt de protection » constitue un outil de préservation intéressant et efficace, mais qui ne concerne que des superficies très restreintes ! [environ 120 000 ha, soit moins de 1 % de la surface forestière en France métropolitaine, NDLR]. Ces surfaces sont si réduites que si, en plus, on vient affaiblir leur statut de protection, l’intérêt de dispositif en sera fortement amoindri. Notre deuxième point d’inquiétude dans ce projet de décret, c’est qu’il vise à accorder au préfet, de manière discrétionnaire, la possibilité d’accorder des dérogations, sans aucune consultation des acteurs locaux. Aucune procédure de concertation n’est prévue !

ANES : Le ministère de l’agriculture fait valoir que si le statut reste trop rigide, on ne pourra plus créer de nouvelles forêts de protection.

Michaël Weber : Et donc, pour cela, on veut venir exploiter des mines au cœur des forêts existantes ? Les superficies en question sont si réduites qu’on ne peut pas imaginer qu’il soit impossible d’aller creuser des mines un peu plus loin ! On ne peut pas avoir des territoires qui seraient protégés en surface, mais feraient l’objet d’exploitation minière en sous-sol. La protection ne peut se résumer à mettre un tapis sur la poussière ! Le fond du problème, c’est que nous ne parvenons pas à obtenir des statuts de protection pour certains territoires pour lesquels ce serait justifié, et que dans le même temps on vient porter atteinte aux quelques territoires qui sont déjà protégés ! Dans le Parc naturel régional que je préside, celui des Vosges du Nord, nous demandons inlassablement que de nouveaux périmètres de protection soient déterminés, mais sans succès. Je rappelle au passage que la loi de 2016 sur la reconquête de la biodiversité instaure un principe de non-régression en matière environnementale. Je doute que ce projet de décret soit compatible avec ce principe.

ANES : Quelle est votre demande : le retrait du projet, ou que des corrections lui soient apportées ?

Michaël Weber : Nous préfèrerions que ce projet soit retiré, mais nous sommes toujours ouverts à la discussion. Si le projet maintenu, il doit à mon sens évoluer sur deux points : la nécessité de la concertation locale, dont je vous ai parlé, et la nécessité de compenser. Dans la séquence Eviter-réduire-compenser, il est clair que si on demande une dérogation pour implanter une mine dans une forêt protégée, il n’y a pas d’évidemment possible. On peut certes réduire, mais une mine reste une mine. Donc il faut nécessairement compenser. Or rien n’est prévu sur ce point en l’état actuel du texte. Quant à la concertation, elle est nécessaire évidemment quand il s’agît de forêts situées dans un Parc naturel régional (la concertation, c’est le cœur de notre métier !) mais aussi dans les autres territoires : c’est la seule manière de garantir l’acceptabilité sociale des projets.

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko