⏱ Lecture 2 mn.

Trois questions à Marc Giraud, porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS)

ANES : La semaine dernière, dans l’Oise, un équipage de chasse à courre a poursuivi et abattu un cerf dans le jardin d’un particulier en l’absence de ce dernier. Ce type de fait-divers est-il courant en France ?

Marc Giraud : Ce qu’il faut dire avant tout, c’est que c’est à la fois scandaleux… et légal ! Dans ce cas particulier il y a encore un détail à éclaircir : les chasseurs ne semblent pas avoir obtenu l’autorisation du propriétaire. Dans ce cas, il pourrait y avoir violation de domicile. Mais sinon, tout ce qui s’est passé est légal selon les chasseurs, et en gros c’est hélas vrai. Ce que nous voudrions à l’ASPAS, c’est une réforme profonde de la chasse en France ! Il faut savoir qu’un particulier ne peut interdire la chasse chez lui qu’au prix de maintes tracasseries administratives ! Et même s’il y parvient, un chasseur qui a blessé un gibier pourra toujours venir l’achever dans sa propriété, y compris si la chasse y est interdite. En France, l’animal sauvage est res nullius, il n’est la propriété de personne, sauf quand un humain l’a touché : il devient alors sa propriété. Donc si un chasseur a blessé un animal il en devient le propriétaire, il a alors tous les droits sur cet animal y compris sur un domaine interdit à la chasse.

ANES : Demandez-vous l’interdiction de la chasse à courre ?

Marc Giraud : C’est à nos yeux une pratique totalement désuète, même si ses adeptes prétendent que c’est une chasse très écologique et que les animaux eux-mêmes se chassent entre eux de cette façon-là, par la poursuite et l’épuisement de la proie. Mais si nous sommes humains, si nous nous prétendons différents des animaux, pouvons-nous justifier ainsi de telles pratiques ? Au-delà même de la souffrance physique, peut-on imaginer l’angoisse d’un cerf poursuivi inlassablement par une meute de chiens ? La chasse à courre a été interdite en Grande-Bretagne et dans la majorité des autres pays d’Europe. Du coup le prince Charles vient chasser en France… C’est la vénerie en général qu’il faudrait interdire, y compris la vénerie sous terre : comment peut-on à notre époque déterrer des renards et des blaireaux en période de reproduction ? C’est toujours possible en France, alors qu’en Europe c’est quasiment fini.

Il n’y a aucun jour de non-chasse au niveau national en France, alors que c’est le cas en Angleterre depuis 1831 ! En France, pays de gastronomie, on pense beaucoup avec son estomac : un animal, c’est d’abord un truc qui se mange. Et le lobby de la chasse est extrêmement puissant en France, depuis le conseil municipal des petites communes rurales jusqu’à l’Assemblée nationale. Le groupe « Chasse » de l’Assemblée est de loin le plus fourni !

ANES : Comment l’ASPAS réagit-elle au rejet du budget de l’ONCFS par son conseil d’administration ?

Marc Giraud : L’ONCFS devrait être un opérateur public, puisqu’il est en partie financé par de l’argent public, mais il est largement détourné de ses missions par l’action des chasseurs à son conseil d’administration. Nous regrettons évidemment que les effectifs de l’ONCFS se réduisent, et que du coup ses missions de police de la nature soient moins bien assurées. En outre, nous souhaitons évidemment que l’ONCFS soit intégré à l’AFB, ce qui permettrait d’harmoniser les moyens affectés à la protection de la nature !

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko

Pétition de l’ASPAS pour une réforme de la chasse