Jusqu’à 1,2 million d’oiseaux sont décédés à cause d’une vague de chaleur marine dans le Pacifique nord en 2015.
Les biologistes de la côte ouest des Etats-Unis et d’Alaska n’avaient jamais vu cela : des dizaines de milliers d’oiseaux de mer morts échoués sur les plages, sur 6.000 kilomètres de côtes. Les oiseaux, des guillemots de Troïl, étaient émaciés, décharnés : morts de faim. Scientifiques et bénévoles ont ramassé 62.000 carcasses entre l’été 2015 et le printemps 2016, et ils estiment que cela ne correspond qu’à 5 à 10% du nombre total, soit un bilan se situant entre 600.000 et 1,2 million d’oiseaux morts (beaucoup meurent sans être retrouvés), dans une étude parue dans la revue PLOS ONE. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
La cause : une vague inédite de chaleur marine dans le Pacifique Nord qui a réduit la qualité et la quantité du phytoplancton et a bouleversé la chaîne alimentaire, dans un aperçu de l’effet domino que le réchauffement du climat et des océans peut provoquer. La baisse du plancton a affecté les poissons qui en dépendent (sardines, harengs, anchois…), ce qui a en retour réduit les proies disponibles pour les oiseaux. Les guillemots de Troïl, des oiseaux noirs et blancs de 40 cm de longueur, sont pourtant « une force de la nature« , dit à l’AFP John Piatt, biologiste de l’agence fédérale United States Geological Survey. Ils ont colonisé toutes les côtes de l’hémisphère Nord, de la Californie à l’Europe et l’Arctique, et sont d’excellents nageurs : ils plongent à 200 mètres de profondeur pour attraper les poissons. Mais leur talon d’Achille est qu’ils doivent manger la moitié de leur poids chaque jour.
« Tout dépend de leur muscle de poitrine, s’ils ne peuvent pas manger pendant trois ou quatre jours, ils brûlent tout leur muscle » et ne peuvent plus voler ni plonger. Par comparaison, après la marée noire du pétrolier Exxon-Valdez en mars 1989 au large de l’Alaska, 30.000 carcasses d’oiseaux avaient été ramassées, menant à une estimation totale de 300.000 à 600.000 volatiles morts. La vague de chaleur marine créa une catastrophe en cascade : aux saisons de reproduction 2015, 2016 et 2017, un total de 22 colonies n’ont produit aucune progéniture, du jamais vu pour aucune espèce marine, dit John Piatt. D’où est venue la vague de chaleur ? D’une coïncidence malheureuse de phénomènes météorologiques naturels et cycliques, El Nino et l’Oscillation décennale du Pacifique, ainsi que d’une grande masse d’eau relativement chaude apparue dans le Pacifique à cette époque, appelée le « blob« . A cela s’ajoute une tendance claire, qui n’est pas cyclique et rajoute son effet par-dessus, année après année : le réchauffement des océans.
« Le réchauffement climatique est en arrière-plan« , dit John Piatt. « Un océan plus chaud est un environnement très différent et crée un écosystème côtier très différent pour de nombreuses espèces« , ajoute la coautrice Julia Parrish, de l’université de Washington. Les oiseaux sont le premier signal, dit-elle.
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