Le champignon responsable de la dévastation des populations d’amphibiens à travers le monde provient d’une colonisation récente en provenance de l’Asie de l’Est, favorisée par le commerce international des espèces, affirme une nouvelle étude.
C’est l’une des panzooties les plus destructrices de la planète : le champignon chytride, ou Batrachochytrium dendrobatidis (connu sous le non de BdGPL), ravage les populations d’amphibiens sur presque tous les continents depuis plus de vingt ans. Grenouilles, crapauds, ou encores tritons disparaissent sans que sans que la disparition ou l’altération de leur habitat soient impliquées. En Australie, en Amérique centrale, du Nord et du Sud, aux Caraïbes et en Espagne pour l’Europe, la communauté scientifique a imputé cette mortalité massive à l’infection fongique chytride, sans connaître toutefois la période d’expansion mondiale et l’origine géographique des souches tueuses du pathogène. Une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Science en mai 2018, menée par des chercheurs de l’Imperial College de Londres et de nombreux partenaires dont la Zoological Society of London et l’École Pratique des Hautes Etudes (EPHE), en association avec le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), vient de démontrer que la colonisation du chytride s’est faite à partir d’Asie du Sud-Est au cours du XXème siècle, et que le commerce international des amphibiens a favorisé son expansion. En effectuant des frottis cutanés sur des amphibiens (Anoures, Urodèles et Gymnophiones) de tous les continents, les scientifiques ont d’abord récolté le champignon puis l’ont mis en culture au laboratoire. Le séquençage ADN, ajouté aux spécimens déjà décrits dans la littérature, a permis d’obtenir un panel de 234 individus identifiés génétiquement, ou isolats. L’étude des relations de parenté entre les individus génétiques a par la suite fait ressortir des lignées déjà connues (dont BdGPL, à la répartition très globale), mais aussi une nouvelle lignée génétiquement très diverse, en provenance de la péninsule Coréenne : BdASIA-1. Cette lignée n’est observée que chez des amphibiens sauvages de Corée (et dans une boutique avec des amphibiens captifs pour la terrariophilie en Belgique), et les porteurs de cette lignée ne sont pas affectés. « Des analyses complémentaires confirment que la lignée BdASIA-1 est endémique de la péninsule coréenne, et représente la population ancestrale de B. dendrobatidis », indique le CNRS dans un communiqué. Le séquençage génétique, couplé aux données historiques (premières descriptions de BdGPL en Australie, en Amérique centrale et en Europe) a également permis de dater l’origine temporelle de l’ancêtre de la lignée BdGPL à 1975, soit une confirmation de son émergence récente. L’étude ajoute que des phénomènes d’hybridations entre les différentes lignées connues ont été découverts, et que « ces génomes hybrides montent que B. dendrobatidis échange du matériel génétique quand les lignées sont en contact après des transferts intercontinentaux, générant ainsi une nouvelle diversité génomique. » « En conclusion, cette étude montre l’origine asiatique de B. dendrobatidis, avec un hot-spot de diversité en Corée. BdGPL a émergé au début du XXe siècle par une route inconnue à ce jour, pour infester 700 espèces d’amphibiens parmi les 1300 testées. » Selon les scientifiques, la rapidité de la colonisation mondiale de BdGPL et des autres lignées, et la mise en contact de ces différentes lignées ne peut s’expliquer que par le commerce international des amphibiens. La propagation de pathogène potentiel est donc toujours d’actualité, et le renforcement continu de la biosécurité transcontinentale est essentiel pour la survie des amphibiens dans la nature. Une interdiction potentielle du commerce des amphibiens comme animaux de compagnie devrait même être envisagée pour assurer la survie des espèces vulnérables.