Lot: deux chasseurs jugés après la mort d’un jeune homme dans sa propriété

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A hunter shows cartridges on the opening day of France's hunting season in the area, in Melleray, northwestern France, on September 30, 2018. (Photo by JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)
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Le chasseur qui a tué Morgan Keane en décembre 2020, alors qu’il coupait du bois chez lui dans un village du Lot, est jugé jeudi à Cahors, aux côtés, fait rare, du directeur de la battue.

C’est au cours d’une battue « totalement désorganisée », selon les enquêteurs, que Morgan Keane, pris pour un sanglier, a été tué par balle le 2 décembre 2020 à une centaine de mètres de sa maison, sur un terrain lui appartenant, dans un hameau de la commune de Calvignac.  L’auteur du tir mortel, 35 ans, venu du département voisin de l’Aveyron, qui avait son permis de chasse depuis seulement six mois et connaissait mal les lieux, avait été posté sur un terrain où la chasse n’était pas autorisée, sans recevoir les consignes nécessaires.  La mort de ce franco-britannique de 25 ans, né dans la région, avait suscité un vif émoi et mené à la création d’Un jour un chasseur. Ce collectif propose d’interdire la chasse le mercredi et le dimanche, et d’établir des « distances de protection autour des zones d’habitation qui soient égales à la portée maximale des armes ».  La Fédération des chasseurs du Lot s’est portée partie civile, « au soutien de l’accusation, comme on le fait systématiquement », souligne Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs.  Là, admet-il, « les règles élémentaires n’ont pas été respectées. Si on tire, il faut savoir sur quoi on tire. Ces règles ont permis en 20 ans de diviser par quatre le nombre de morts liés à la chasse ».

« Insécurité dans les tirs »

Les enquêteurs pointent aussi des « failles » dans l’organisation générale de la battue: des participants quittaient notamment leur postes ou se déplaçaient sans autorisation pendant la traque, montrant leur ignorance des positions des autres chasseurs et « créant une insécurité dans les tirs ».  Sollicitées par l’AFP, les avocates de l’auteur du tir mortel, Sylvie Bros, et du directeur de la battue, Emilie Geffroy, n’ont pas souhaité s’exprimer avant l’audience.  De leur côté, les proches de la victime saluent la présence sur le banc des prévenus du directeur de battue, un chasseur expérimenté de 51 ans, jugé pour « homicide involontaire », comme l’auteur du tir mortel.  « C’est une bonne chose. C’est bien beau de dire que c’est la responsabilité du tireur seul qui a fait une erreur. C’est une responsabilité collective, de toute la battue », estime Audrey Tindilière, du collectif Un jour un chasseur.  L’avocat du frère de la victime, Benoit Coussy, regrette cependant que « d’autres chasseurs ne soient pas poursuivis pour ne pas avoir alerté de la présence de Morgan et (de son frère) Rowan à proximité » ou pour avoir quitté les lieux après le coup de feu mortel, sans prêter assistance à la victime, souligne-t-il.  En revanche, le président de la Fédération des chasseurs du Lot, Michel Bouscary, met l’accent sur la responsabilité individuelle du chasseur.

« Préjudice à l’image de la chasse »

« On met tout en oeuvre pour qu’il n’y ait pas d’accident. On a des formations au permis de chasse très axées sécurité, à l’organisation de la chasse (…), des formations obligatoires décennales », note encore M. Bouscary, élu président en avril 2022 et partisan des formations en sécurité pour les chasseurs.  Pour Audrey Tindilière, « souvent les fédérations départementales se désolidarisent des tireurs, en disant que c’est leur faute ».   « Elles se mettent en position de victimes, disant que l’accident a porté préjudice à l’image de la chasse. C’est absolument intolérable pour nous », ajoute-t-elle.  Les deux prévenus encourent jusqu’à trois ans d’emprisonnement, 75.000 euros d’amende, l’interdiction de détenir une arme pendant cinq ans ou encore le retrait de permis de chasse à titre définitif.  Selon l’Office français de la biodiversité, le nombre d’accidents de chasse est tendanciellement à la baisse depuis 20 ans. Néanmoins, pour la saison 2021/22, l’OFB a recensé 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux concernant des victimes non-chasseurs.