Puits de carbone: les ministres européens de l’Agriculture inquiets du projet de Bruxelles

foret nuit ©mila-del-monte de Pixabay

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Les ministres européens de l’Agriculture se sont inquiétés jeudi de l’objectif de capture de carbone par les sols et forêts fixé par Bruxelles à horizon 2030, réclamant notamment une prise en compte des spécificités de chaque Etat et des risques naturels.

Dans le cadre de son plan climat, la Commission européenne propose d’augmenter l’absorption nette de carbone par les sols et forêts (« puits de carbone » naturels) à 310 millions de tonnes équivalents CO2 par an d’ici à 2030 (contre 268 aujourd’hui). Elle souhaite pour cela restaurer des tourbières et zones humides et simplifier les aides à la reforestation ainsi qu’à l’agriculture « bas carbone ».  Ce texte, révision d’une directive existante sur l’usage des sols, est aux mains des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept, mais « un nombre significatif » des ministres de l’Agriculture, réunis jeudi au Luxembourg, « ont exprimé des craintes » et réclament « des éléments clairs » sur l’impact attendu, a indiqué le Français Julien Denormandie.  « Nous considérons les calculs de la Commission concernant l’Espagne bien trop élevés: les forêts du nord de l’Europe ne sont pas celles du Sud, il faut en tenir compte », a plaidé son homologue espagnol Luis Planas Puchades, déplorant que le potentiel de capture de CO2 assigné à chaque pays « ignore les spécificités » climatiques ou géographiques.  « Il est crucial de fixer des objectifs raisonnables, alors que les défis sont plus épineux pour l’Irlande que pour d’autres », a abondé le ministre irlandais Charlie McConalogue, soulignant l’importance de l’agriculture, basée sur des terres tourbeuses, dans les émissions du pays et le vieillissement des forêts sur l’île qui limitent les marges de manoeuvre de Dublin.  Il a également déploré « la complexité des évaluations » du carbone stocké et un « fardeau administratif supplémentaire ».  « Notre agriculture est limitée par le climat, mais notre territoire est couvert à 70% de forêts (…) Ces puits de carbone n’ont pas diminué » malgré l’exploitation sylvicole active, a relevé le secrétaire d’Etat suédois Oskar Magnusson, jugeant « disproportionnellement élevé » l’objectif de Stockholm et demandant des cibles nationales « facultatives ».  A l’unisson de plusieurs capitales, M. Magnusson a aussi critiqué le mécanisme permettant aux absorptions par les puits de carbone naturels d’un État de compenser une moindre performance d’autres pays, jugeant que le potentiel climatique des sols, terres agricoles et forêts « devaient être établi au niveau national, pas au niveau de l’UE ».  Surtout, une majorité d’États estiment que Bruxelles ne tient pas suffisamment compte des désastres naturels, comme des incendies de forêts ou incidents climatiques, susceptibles de bousculer les compteurs. L’Allemagne appelle à « rendre plus flexibles et transparentes » les règles proposées.