Le braconnage de la datte de mer détruit les récifs de Naples. Après trois ans d’enquête, 12 suspects ont été arrêtés. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent plusieurs années de prison.
À Naples, en Italie, certains groupes criminels organisés cassent les clichés de trafic de drogue ou de prostitution pour orienter leurs activités sur un marché plus étonnant : celui de la récolte illégale d’un petit mollusque, la datte de mer. En mars 2021, la police a procédé à une douzaine d’arrestations après trois ans d’enquête sur deux groupes mafieux de la région de Campanie au sud de l’Italie. Dans un article récemment publié, le journal britannique The Guardian détaille les rouages de ces activités.
La datte de mer, aussi appelée moule lithophage (Lithophaga lithophaga) est une espèce protégée de mollusques présente en méditerranée. Ces moules en forme de cigare s’installent dans le calcaire et sécrètent un acide qui creuse lentement un tunnel dans la roche. « Il leur faut des décennies pour se développer – entre 18 et 36 ans pour atteindre 5 cm de long – et elles peuvent vivre plus de 50 ans », explique The Guardian. Les scientifiques considèrent que la pêche à la datte de mer est l’une des pratiques les plus destructrices des habitats marins au monde. Elles sont en effet récoltées à l’aide de masse ou d’explosifs, ce qui détruit tout l’environnement marin périphérique La pêche ou la vente de ces mollusques est par conséquent illégale dans l’Union Européenne. Pour autant – et par conséquent – ils sont considérés comme un mets de luxe en Italie et peuvent atteindre 200 euros le kilo sur le marché noir.
Attirés par le gain, des groupes défient les lois et se sont lancés dans la pêche de la datte de mer, emportant par la même occasion une grande partie des récifs rocheux le long de la côte Amalfitaine et près de la moitié des digues sous-marines de Capri. Le journal souligne que « bien que la police italienne saisisse des moules et inflige des amendes aux braconniers depuis 30 ans, la collecte de moules a longtemps été considérée comme un simple délit, sans menace de peine de prison, laissant les braconniers libres de poursuivre leur récolte destructrice ».
Le marché illégal de ce mollusque est bien rodé. Quelques familles supervisent le braconnage ainsi que le commerce des dattes de mer et vendent certaines de ces moules à des poissonneries, des restaurants, des pizzerias, mais également à l’élite italienne. Giulio Vanacore, procureur chargé de l’environnement ayant ouvert une enquête sur ces activités illégales au parquet de Naples, soutient cependant dans une interview au Guardian que les principaux clients sont les Camorristi, membres de la Camorra, la mafia napolitaine. Le magistrat a fondé sa démarche sur la loi italienne Ecodelitti de 2015, qui rend les délits environnementaux et de pollution passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison. « J’ai eu l’idée que nous ne devions pas punir uniquement les cas individuels de vente, de détention ou d’extraction de moules, car ces actions cachaient un processus criminel plus large », explique Vanacore. « C’est pourquoi j’ai commencé à enquêter sur les délits de pollution et d’environnement », a-t-il précisé au journal. Grâce à cela, le parquet de Naples a émis plusieurs mandats d’arrêts en mars 2021 qui ont conduit à la détention de 12 suspects.