La France crée une cellule de gendarmerie spécialisée dans la traque des opposants à l’agro-industrie. La Grande-Bretagne inscrit Greenpeace, Extinction Rebellion (XR) et d’autres ONG sur la liste des « organisations terroristes ».
Débat virulent la semaine dernière à la chambre des Communes (le parlement britannique), après que le quotidien The Guardian a révélé que les services de renseignement avaient inscrit plusieurs associations écologistes sur la liste des « organisations terroristes ». Les documents révélés par le Guardian encourageaient toute personne ayant des doutes sur ces organisations à signaler une activité suspecte par le biais d’un formulaire anonyme en ligne sur le site de la police. Devant les vives protestations qu’a suscitées l’article du Guardian, le ministère de l’intérieur (Home office) a dû faire machine arrière et affirmer qu’il s’agissait d’une « erreur de jugement » : « Nous sommes conscients que le droit de manifester pacifiquement est une pierre angulaire de notre société juste et un canal indispensable d’expression politique et sociale, a fait savoir le ministère. Les services de police antiterroristes du Sud-Est ont par exemple déclaré catégoriquement qu’ils ne classaient pas la XR comme une organisation extrémiste et l’inclusion de XR dans leurs directives aux agents[du contre-terrorisme] était une erreur de jugement. La police a suspendu ces directives, qui sont en cours de révision ». [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Pas de mea culpa gouvernemental en France en revanche, après la création par la gendarmerie d’une cellule de la gendarmerie nationale spécialisée dans la répression des « atteintes au monde agricole », nommée Demeter. Les lanceurs d’alerte sur la condition animale sont explicitement ciblés par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner : « Des individus s’introduisent dans leurs exploitations agricoles et les bloquent. Ils font des films aux commentaires orduriers, avant de jeter les exploitants en pâture sur les réseaux sociaux. Parfois même, les intrus dégradent, cassent et volent. En se multipliant, certains actes confinent à l’absurde. Je pense à ces militants animalistes responsables de la mort de plus de 1 400 animaux dans l’Eure pour leur avoir fait peur en s’introduisant dans un élevage de dindes », écrit le ministre.
Quelque 130 enseignants-chercheurs, principalement en sciences sociales, ont demandé, dans une lettre ouverte à la Garde des Sceaux, une protection des lanceurs d’alerte sur la question du bien-être animal, face à « l’influence grandissante », selon eux, des lobbies de l’élevage intensif. Faisant le constat d’un intérêt croissant de la population pour les conditions de vie des animaux, ces chercheurs disent assister depuis plusieurs mois, « à une campagne active des lobbies de l’élevage intensif, avec à la clé, une influence grandissante dans les décisions publiques qui prend une dimension inquiétante pour notre démocratie. Le dévoiement (…) de ressources publiques, dont celles du renseignement chargé d’assurer la protection des populations civiles contre des actes meurtriers est inquiétant, dénoncent-ils, craignant l’adoption de nouvelles mesures contre les lanceurs d’alerte ». Selon eux, « la pénalisation des lanceurs d’alerte priverait d’une source d’information essentielle. Si nous n’avons plus de vidéos de lanceurs d’alerte, nous serons incapables de dire ce qui se passe à l’intérieur des élevages, ce qui est une confiscation du débat public,a déclaré à l’AFP Romain Espinosa, chargé de recherche CNRS à l’université de Rennes 1, et l’un des initiateurs du texte. Aujourd’hui le débat sur le bien-être animal est entré dans la sphère publique après avoir été longtemps confiné à la sphère privée, a-t-il ajouté. Il ne s’agit pas de critiquer les petits élevages, mais l’élevage intensif, les hangars avec les dizaines de milliers de poulets », poursuit l’économiste, qui travaille sur l’alimentation végétale et la condition animale.
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