L’Office français de la biodiversité, qui voit le jour après des années d’atermoiements, doit permettre de mieux protéger la nature dont l’érosion se poursuit. Mais ce nouvel outil ne suffira pas sans réelle volonté politique, avertissent des ONG.
L’OFB, dont l’acte de naissance a été fixé au 1er janvier, regroupe l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), concrétisant un projet qui a plus de 20 ans, selon son directeur général Pierre Dubreuil. Pendant longtemps, le rapprochement des deux établissements, préconisé par les associations écologistes, a buté sur l’opposition du monde de la chasse. L’ONCFS, créé il y a presque 50 ans, est chargé principalement de l’examen du permis de chasse, de la police de l’environnement et de la chasse et de l’étude sur la faune sauvage, avec un poids très important des chasseurs dans son conseil d’administration. L’AFB n’a que trois ans et est issue du regroupement de l’Agence des aires marines protégées, de l’Atelier technique des espaces naturels, de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques et des Parcs nationaux de France. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Pour convaincre les chasseurs, il a fallu une contrepartie: le président Emmanuel Macron a accordé une baisse du prix du permis national de chasse de 400 à 200 euros. Les chasseurs ont aussi obtenu de nouvelles missions pour les fédérations départementales de chasse, avec 9 millions d’euros à la clé et une subvention pour soutenir des actions en faveur de la biodiversité, à hauteur de 11 millions. « Les chasseurs seront présentsau sein de l’OFB, ce sont des acteurs à part entière de la biodiversité »mais ils auront un poids limité au sein du conseil d’administration, précise M. Dubreuil à l’AFP.
L’OFB est administré par un conseil d’administration qui comprend :
- 1° Un premier collège constitué par des représentants de l’État, des représentants d’établissements publics nationaux oeuvrant dans le champ des compétences de l’office et des personnalités qualifiées ;
- 2° Un deuxième collège comprenant des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’associations agréées de protection de l’environnement, de gestionnaires d’espaces naturels, des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir ;
- 3° Un troisième collège comprenant des représentants des comités de bassin ainsi que des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
- 4° Un quatrième collège composé des représentants élus du personnel de l’office ;
- 5° Un cinquième collège composé de deux députés dont un élu dans une circonscription ultramarine et de deux sénateurs dont un élu dans une circonscription ultramarine (avec des règles de suppléances prévues).
La loi accorde 10 % de cet ensemble aux représentants de la Fédération nationale des chasseurs, des fédérations départementales des chasseurs et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique.
Un décret publié le 31 décembre (in extremis, donc !) fixe le fonctionnement de l’OFB structurée en Etablissement public administratif avec un conseil d’administration de 43 ombres , un conseil scientifique, un DG nommé pour 4 ans, un commissaire du gouvernement, et des agences régionales (pour certaines déjà mises en place par l’AFB).
L’OFB « doit être à l’écoute de tous, sans idéologie partisane », avertit Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Pierre Dubreuil met en avant les moyens renforcés de l’OFB pour protéger la nature, menacée de toute part par les activités humaines. « L’érosion de la biodiversité mondiale, comme française, s’accélère, rappelle-t-il, citant comme exemple le recul de 50% des zones humides en France depuis 1960 ou la disparition de 30% d’oiseaux communs en milieu agricole en 30 ans. L’OFB, poursuit-il, a pour mission de préserver la biodiversité – partie vivante de la nature -, sans renier l’activité humaine ».Doté d’un budget d’environ 350 millions d’euros, ses missions seront « la police de l’environnement, l’appui aux politiques publiques, l’expertise et l’appui aux gestionnaires d’espaces naturels, la mobilisation de la société et la connaissance, énumère son directeur général. Les 1.700 inspecteurs de l’environnement auront des pouvoirs de police judiciaire renforcés »pour lutter par exemple contre le trafic d’espèces sauvages ou la pollution des eaux.
Pour Jean-David Abel, de la fédération France nature environnement (FNE), l’OFB constitue « un pas vers plus d’efficacité ».Mais la création de cet établissement public, avertit-il, doit s’accompagner d’une volonté politique de protéger la faune et la flore en déclin, sans quoi son action restera limitée. La France affiche son ambition pour la biodiversité mais elle autorise pourtant la chasse d’une vingtaine d’espèces d’oiseaux menacées de disparition en Europe, s’indigne pour sa part la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Des ONG critiquent aussi le manque d’ambition pour réduire l’agriculture intensive, source de pollution des sols, des eaux et de disparition des insectes et des oiseaux. « Une demande sociale monte pour protéger la biodiversité et de plus en plus de collectivités agissent, reconnaît Jean-David Abel, même si, d’après lui, on reste dominés par une vision économique, l’action n’est pas au bon niveau ».
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