Surtout, ne rien précipiter… Après avoir annoncé pour vendredi dernier l’adoption d’un grand « plan biodiversité », le ministre de la transition écologique et solidaire s’est contenté d’annoncer… quinze jours de consultation sur le site du ministère. Le « plan », lui, est remis à juillet.
L’humanité doit faire « la paix » avec la nature et la France doit montrer la voie pour stopper l’effondrement de la biodiversité qui menace notre survie, a plaidé vendredi Nicolas Hulot en lançant ses premières pistes en la matière. Nature empoisonnée, sols bétonnés, hécatombe d’abeilles ou d’oiseaux… Le ministre de la Transition écologique veut hisser la question de la biodiversité au même plan que celle du climat, et souligne que le combat pour l’un n’ira pas sans l’autre. « La société française doit maintenant être une société qui prend soin de la nature. La nature a besoin qu’on lui déclare la paix », a déclaré l’ancien militant lors d’un discours prononcé à Marseille. Il a choisi la cité phocéenne pour lancer sa stratégie nationale de mobilisation pour la biodiversité, qui doit aboutir en juillet à un plan interministériel pour protéger un patrimoine français particulièrement riche, avec plus de 16.500 espèces endémiques (à 80% en outre-mer). Alors que la disparition d’espèces animales s’accélère et met en péril l’humanité, « l’heure de vérité » a sonné, et la France doit rentrer dans une démarche de réparation de la nature, a poursuivi M. Hulot, très attendu par les associations de défense de l’environnement sur ce sujet.
Comme pour la fin des moteurs thermiques, programmée pour 2040, M. Hulot a fixé un objectif de long terme, « que nous soyons capables (…) à l’horizon 2030 de ne plus contribuer à détruire la nature, mais de devenir des réparateurs de vivant. Il faut voir grand, ce n’est pas une question d’ambition, c’est une question de survie », a-t-il ajouté, en lançant une consultation publique, ouverte sur internet jusqu’au 7 juin (www.consultation-plan-biodiversite.gouv.fr). Les détails du plan seront fixés lors d’un comité interministériel, façon de montrer que tous les ministres sont concernés par l’impératif de protection de la nature. Dans le détail, M. Hulot souhaite favoriser le retour de la nature dans la ville, « dans un monde où le virtuel s’est substitué au réel. Il fixe également un objectif zéro artificialisation nette des sols, en arrêtant rapidement (notre) consommation insoutenable des terres agricoles ». L’artificialisation des sols a fait perdre depuis 2006 à l’agriculture et aux milieux naturels une surface équivalente au département de la Seine-et-Marne, selon l’Observatoire national de la biodiversité.
Le ministre veut aussi « mobiliser les acteurs économiques, dont nous avons absolument besoin pour protéger la biodiversité, y compris via des modifications de la Politique agricole commune. La France va aussi « protéger les espaces et les espèces en créant de
nouvelles aires et réserves naturelles, ou en les agrandissant le plus possible ». Sans attendre ce plan, Nicolas Hulot s’est déjà penché depuis un an au chevet de deux espèces emblématiques : le loup et l’ours.
« Nous nous réjouissons que notre pays prenne ses responsabilités car il est impératif de mettre fin à la disparition du vivant sur notre planète, a réagi le directeur général du WWF France, Pascal Canfin, dans un communiqué, estimant que la France se positionnait ainsi comme un leader mondial en matière de biodiversité ». Tout en saluant la « volonté politique du gouvernement en faveur de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, l’association Humanité et Biodiversité a mis en garde: Ce plan devra être ambitieux ». De son côté, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) observe que « un an après l’élection du président Macron, les lobbies progressent et la nature régresse ».
Le ministre a présenté un « calendrier diplomatique international qui va jalonner les trois prochaines années » en France : réunion au printemps 2019 de la séance plénière de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les systèmes écosystémiques), G7 dont l’un des sujets principaux sera la biodiversité, et réunion à Marseille du Congrès mondial de la nature en 2020. Une réunion majeure de l’ONU est prévue la même année en Chine. Mais la LPO observe que simultanément, « la France vient de s’opposer à la proposition de la Commission Européenne d’un moratoire visant à suspendre la chasse à la tourterelle des bois. Cette espèce est pourtant vulnérable au niveau mondial (liste rouge UICN). Cette information accable la LPO, qui constate une fois de plus le peu de cas fait aux enjeux de biodiversité dès lors qu’il s’agit de satisfaire aux lobbies cynégétiques ».