L’épidémie de coronavirus, soupçonné d’être né dans le monde animal avant de passer aux humains, constitue une alerte « sans précédent » de l’urgence de protéger la nature, plaide le directeur du Comité français de l’UICN, alors que plusieurs grands sommets sont reportés à 2021.
« L‘épidémie mondiale du Covid–19 trouve son origine dans les pressions que nous exerçons sur la biodiversité« , indique Sébastien Moncorps, le directeur du Comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) dans une tribune dans le Journal du dimanche (JDD). Apparu dans un marché de Wuhan en Chine « mettant en contact des animaux sauvages, des animaux domestiques et la population humaine« , le virus « est vraisemblablement issu d’une recombinaison virale impliquant plusieurs hôtes sauvages, parmi lesquels des chauves-souris et des pangolins« . Ce nouveau coronavirus « illustre les dangers de la surexploitation des espèces sauvages, considérée comme la 2ème grande cause de disparition de la biodiversité dans le monde, à la fois pour la survie des espèces elles-mêmes et pour les humains« , met en garde Sébastien Moncorps. « C’est une nouvelle alerte, ici sans précédent, sur le lien entre crise de la biodiversité et crise sanitaire« , après d’autres épidémies (Ebola, SRAS, grippe aviaire) issues du monde animal, rappelle-t-il. « La dégradation des milieux naturels et le trafic illégal favorisent les contacts avec les espèces sauvages, et donc la transmission de pathogènes aux humains, et déstabilisent le fonctionnement des écosystèmes« , explique-t-il encore. « Il faudra tirer les conséquences de cette crise en intégrant pleinement ses liens avec la dégradation de la nature« , plaide Sébastien Moncorps, pour qui « la mobilisation engagée pour la protection de la biodiversité en 2020 doit donc impérativement se poursuivre« .
Le congrès de l’UICN, qui devait se dérouler à Marseille du 11 au 15 juin, se tiendra finalement du 7 au 15 janvier 2021. Il devait précéder la 15e réunion de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15) qui doit servir à établir un plan mondial pour protéger et restaurer les écosystèmes, indispensables à l’humanité, d’ici 2050. Initialement prévue en octobre à Kunming, en Chine, cette COP pourrait avoir finalement avoir lieu dans les quatre premiers mois de 2021.
Alors que la France et l’Union européenne (UE) réfléchissent à des propositions économiques face à l’épidémie de coronavirus, WWF France appelle de son côté à prendre des mesures pour « une relance (…) tournée vers la transition écologique« , qui n’aggrave pas la crise climatique et de la biodiversité. « Les premiers impacts de cette crise historique commencent déjà à être mesurés sur l‘économie, l’emploi et la société et nous imposent de réfléchir sans attendre à la sortie de crise« , relève l’ONG dans un communiqué. La France a pris des mesures pour amortir le choc de la crise et un plan de relance est attendu au sein de l’UE. Les ministres des Finances se retrouveront le 7 avril pour tenter de mettre au point des propositions économiques communes. Pour WWF, il faut parvenir à « une sortie de crise durable, résiliente aux risques climatiques et écologiques, et qui protège les citoyens des effets de la triple crise sanitaire-écologique-socioéconomique« . La crise sanitaire actuelle est liée en partie aux « pressions que nous exerçons sur la nature à travers nos modes de consommation et de production non soutenables« , rappelle l’ONG. Elle propose de conditionner les aides publiques aux grandes entreprises et aux banques à leur contribution « à la transition écologique« , de transformer le secteur agricole, les transports et l’énergie, de permettre aux territoires d’investir pour la relocalisation et l’adaptation au changement climatique.
Concrètement, WWF propose de renforcer l’autonomie en protéines de la France pour les animaux d’élevage, de réorienter la production automobile vers l’électrique, d’interdire aux compagnies aériennes qui vont bénéficier d’un plan de sauvetage de s’endetter pour augmenter leurs flottes ou de casser les prix pour relancer le trafic aérien ou encore d’accélérer la rénovation des bâtiments, pourvoyeuse d’emplois. « La question qu’il faut se poser aujourd’hui est bien celle de notre rapport à la nature. Parce qu’il n’y a pas d’homme en bonne santé sur une planète malade« , relève Isabelle Autissier, présidente du WWF France. « 3/4 des écosystèmes terrestres et 2/3 des écosystèmes marins sont déjà dégradés« , rappelle Véronique Andrieux, directrice générale, pour qui le « ‘business as usual’ n’est donc plus une option« .