Une étude prouve que près de la moitié des brevets de séquences génétiques de la biodiversité marine est détenue par un groupe de chimie allemande, posant la question de l’équité de l’accès et du partage de ces ressources.
L’industrie de la chimie allemande détient la biodiversité marine : c’est le constat ahurissant d’une étude publiée en juin dans la revue Science Advances, intitulée « Contrôle des entreprises et gouvernance internationale des ressources génétiques marines ». Une équipe de chercheurs suédois, japonais et canadiens a démontré que le plus grand groupe de chimie au monde, BASF, a déposé 47% des brevets concernant des séquences génétiques de microorganismes, algues ou animaux marins. Parmi les millions de séquences d’ADN brevetées, près de 13 000 ont été identifiées par les scientifiques comme appartenant à 862 espèces marines : si le cachalot ou encore la raie manta sont présents, ce sont les microorganismes qui dominent, comptant pour 73% des séquences de la base de données. Les résultats démontrent que l’enregistrement des brevets a explosé depuis 15 ans et que sont pour 84% d’entre eux des entreprises qui les déposent, attirées par le bénéfice des potentielles applications commerciales de ces espèces et de leurs propriétés. Et parmi les entreprises, BASF en Allemagne a enregistré 47% de la totalité des brevets. Un exemple parmi d’autre d’application concrète : le groupe de chimie utilise une enzyme extraite d’un microorganisme des abysses pour réguler la viscosité des biocarburants. Les auteurs montrent également la grande disparité géographique des détenteurs de brevets : 30 pays sont largement représentés, avec une prédominance de l’Union Européenne, tandis que les 165 autres pays ne sont pas représentés.
L’étude souligne qu’une telle concentration des brevets chez BASF pose des questions d’équité de redistribution des bénéfices, fustigeant le fait que le protocole de Nagoya, qui vise à garantir à l’ensemble de la communauté internationale « l’accès et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques », ne s’applique qu’aux ressources terrestres, et que la biodiversité marine soit par conséquent mal protégée juridiquement. Conscients que des négociations pour l’élaboration d’un traité sur la haute mer devraient commencer d’ici à septembre à l’ONU, les scientifiques encouragent, entre autres, les États à améliorer leur expertise concernant les ressources génétiques marines, et proposent que les plus gros détenteurs de brevets, comme BASF, fassent preuve de transparence et soient associés ouvertement aux négociations.