Au rayon des excuses foireuses, le poney et la piscine viennent de prendre un sérieux coup de vieux.
Quoi de mieux qu’une bonne guerre pour s’affranchir des urgences climatiques, pour remettre à plus tard la Stratégie nationale de la biodiversité, ou pour éviter de mettre en œuvre un nouveau modèle agricole ?
Il n’a pas fallu longtemps au président-candidat pour annoncer, en dévoilant son programme, qu’il veut démanteler la stratégie agricole européenne «De la ferme à la fourchette». Déclinaison du pacte vert pour l’Europe, ce plan adopté à une très large majorité par le Parlement européen le 19 octobre dernier vise notamment à réduire de 50 % le recours aux pesticides d’ici à 2030, et à atteindre à cette date un quart de surfaces cultivées en bio (contre 8,5 % aujourd’hui). Autant dire que ces objectifs n’ont rien de franchement révolutionnaire.
Mais c’était encore trop pour les plus enragés des lobbyistes de l’agro-industrie. Aussitôt CropLife Europe, représentant de l’industrie des pesticides, sonnait le tocsin en annonçant, à grand renfort d’études pseudo-scientifiques biaisées et tronquées (au point que la Commission s’est sentie obligée de les démentir), que l’application de ce plan allait générer une chute drastique des rendements. Et à travers l’Europe, les organisations agricoles ultra-productivistes (la FNSEA en France) ont entrepris de freiner des quatre sabots sur la mise en œuvre du plan.
Ils ont été entendus, au-delà de leurs espérances, par Emmanuel Macron, qui a déclaré en toute candeur, ce 17 mars, que cette stratégie «prévoyait un monde d’avant-guerre, mais dans aucun cas l’Europe ne peut se permettre de produire moins». Au nom, évidemment, de l’indépendance et de la souveraineté de notre continent… qui est le premier exportateur mondial de produits agricoles !
Pourtant, l’un des effets de la guerre en Ukraine est la pénurie annoncée d’engrais azotés, fournis pour l’essentiel par la Russie. Une réponse pourrait être, par exemple, de faire évoluer les productions en renonçant aux plus gourmandes en azotes de synthèse (et en eau, au passage) telles que le maïs. Ou d’adopter des régimes d’assolement qui permettent de fixer l’azote dans le sol en alternant les cultures. Une façon de s’affranchir de la dépendance et d’aller vers une agriculture plus respectueuse des sols et de la biodiversité.
Mais on ne le fera pas.
Charles Maurras a vendu la mèche en 1940 : nonobstant leur cortège de ravages et de malheur, les guerres sont toujours, pour certains, une « divine surprise ».