La cloche, l’iguane et le lapin

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Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, en ce premier mercredi après Pâques, tournons nos cœurs et nos pensées vers deux créatures menacées d’une disparition prochaine : l’iguane des petites Antilles et la cloche en chocolat. L’un et l’autre subissent la concurrence mortelle d’espèces exotiques envahissantes : l’iguane commun pour le premier, le lapin en chocolat pour la seconde. L’iguane commun a été introduit aux Antilles dans les années 1960 par un professeur d’histoire naturelle. Il se nourrit dans les poubelles comme un rat, se reproduit à vive allure comme un lapin, et lorsqu’il s’hybride avec l’iguane local ses caractéristiques génétiques dominent. Bref le « délicat » iguane des petites Antilles (iguana delicatissima) n’a aucune chance face à ce concurrent bardé d’avantages évolutifs. La cloche de Pâques, nous apprend Le Monde, c’est pareil. Elle est latine et catholique (elle vient de Rome) quand l’industrie chocolatière est nord-européenne et huguenote. Sa circonférence évasée la rend, elle aussi, délicate à démouler, quand le lapin avec ses formes rondes est un bonheur pour le plus maladroit des chocolatiers. Et dans une société laïcisée, le lapin parle de fertilité, du printemps qui revient, bref une narration « tous publics ». Résultat : le lapin en chocolat se reproduit à vive allure comme, disons, un iguane commun. Et la cloche n’a aucune chance face à ce concurrent bardé d’avantages évolutifs. Destins parallèles ? Avec une nuance toutefois : les chocolatiers conservent précieusement, à toutes fins utiles, les moules des cloches. Même disparues, il suffira d’un frémissement du marché pour les faire revenir (de Rome bien sûr). Rien de tel pour Iguana delicatissima. Personne n’a gardé le moule. Quand une espèce disparaît, c’est sans retour.