Les sciences de la nature, domaine réservé des mâles blancs riches ?

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Une écrasante domination des hommes issus d’une poignée de pays occidentaux : les inégalités de genre et de géographie sont particulièrement marquées chez les chercheurs en biodiversité, révèle mardi une étude qui prône davantage de diversité.

Publier un article dans une revue scientifique à comité de lecture est déterminant dans l’évolution des carrières, et donne aux travaux des chercheurs un rayonnement international, rappelle cette étude publiée dans Conservation Letters. Des scientifiques ont donc voulu savoir qui étaient ceux qui publiaient le plus en matière d’écologie et de biologie de la conservation – discipline qui étudie la crise de la biodiversité: ils ont épluché les 13 plus grandes revues de leur domaine, entre 1945 à 2019.  Sur les 1.051 auteurs et autrices qui y avaient le plus abondamment publié, 90% sont des hommes. Et parmi ces hommes, 75% sont affiliés à des institutions d’une poignée de pays, majoritairement anglophones : Etats-Unis, Royaume-Uni et Australie en tête. Arrivent ensuite le Canada, l’Allemagne, la France, la Suisse, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suède.
« On pouvait s’attendre à de tels biais, mais pas aussi flagrants !, explique à l’AFP Laurent Godet, directeur de recherche au CNRS, co-auteur de l’étude.  Conséquence : les inégalités liées au genre discriminent les femmes par rapport aux hommes car c’est un cercle vicieux : moins vous publiez, moins vous évoluez dans votre carrière… et moins vous publiez, développe ce chercheur en biogéographie à l’Université de Nantes. Les inégalités Nord-Sud s’expliquent par un immense déséquilibre budgétaire en matière d’investissement dans la recherche », poursuit ce biologiste. Les pays tropicaux, comme la Colombie, sont sous-représentés, alors que ce sont eux qui concentrent le plus d’enjeux de biodiversité (on les appelle des « hotspots »). « De nombreuses études en milieu tropical sont produites par des chercheurs des pays du Nord, ce qui pose problème car la biodiversité est un enjeu planétaire », analyse Laurent Godet. Il pointe une forme d' »impérialisme intellectuel » inadapté à une « discipline cherchant des solutions sur le terrain, qui devraient remonter des pays les plus concernés ». L’étude suggère d’introduite davantage de diversité dans le recrutement des chercheurs, en se concentrant, par exemple, davantage sur la qualité que sur la quantité des articles scientifiques, et en introduisant des formes de discrimination positive dans les systèmes de publication, « passage nécessaire pour faire évoluer les mentalités », selon le chercheur.