Pour ce Noël à Rio de Janeiro, Jésus ne va pas naître dans une mangeoire à Bethléem, mais dans une clairière calcinée de la forêt amazonienne. Un nouveau-né noir, avec des chérubins indigènes qui veillent sur lui.
À Rio de Janeiro, Jésus est né-noir dans une clairière calcinée de la forêt amazonienne. La vierge Marie et Joseph sont noirs eux aussi, vêtus de rouge, au milieu de souches d’arbres recouvertes de cendres. C’est la scène qui attire l’attention des passants sur la crèche monumentale installée comme chaque année sur une place de Gloria, un quartier de Rio, en face de l’église de la Paroisse du Sacré Coeur de Jésus. Les bénévoles de l’Église utilisent ce moment pour alerter les fidèles et tous les habitants de la ville brésilienne sur les problèmes contemporains. Au-dessus de la crèche, on peut voir des banderoles « dites non au racisme » ou « préservez l’Amazonie ».
Les deux thèmes choisis cette année sont particulièrement sensibles depuis l’arrivée du président Jair Bolsonaro en 2019 : le racisme et la déforestation. « Cette scène de nativité montre que les gens qui brûlent Mère Nature, qui attaquent leurs frères et soeurs parce que leur couleur de peau est différente, n’ont pas Dieu dans leur corps », explique à l’AFP Mauricio Rodrigues dos Santos, 63 ans, porte-parole de la paroisse, dont l’église se trouve juste à côté du siège de l’archidiocèse de Rio. L’an dernier, le thème choisi avait déjà été la déforestation, mais la crèche n’avait pas pu être montée en raison de menaces. Mais la paroisse a décidé de le faire tout de même cette année, tout en y ajoutant la dénonciation du racisme qui mine encore le dernier pays à avoir aboli l’esclavage, en 1888.
Il y a deux ans, la crèche de Gloria avait déjà fait scandale en montrant une Vierge Marie seins nus, en train d’allaiter l’enfant Jesus, après une série d’incidents avec la police interdisant des femmes d’allaiter leurs bébés en public. L’année précédente, la crèche qui dénonçait les scandales de corruption avait été vandalisée. « Si les casseurs reviennent, ils vont casser le matériel, mais, ils ne peuvent pas casser l’esprit de cette crèche », estime Mauricio Rodrigues dos Santos. Le président Bolsonaro a été fortement critiqué dans le monde entier pour la forte recrudescence de la déforestation et des incendies en Amazonie depuis le début de son mandat. Il a également minimisé les problèmes de racisme au Brésil après la mort il y a trois semaines d’un homme noir roué de coups par des vigiles blancs sur le parking d’un supermarché Carrefour à Porto Alegre (sud).