Coronavirus : la vengeance du pangolin ? (2 mn)

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La chauve-souris pourrait être le « réservoir » du nouveau coronavirus. Et le pangolin, l’intermédiaire entre les chiroptères et l’homme. Seule solution : réduire les contacts avec ces espèces, à commencer par leur trafic.

Le monde a l’attention braquée sur la nouvelle épidémie de coronavirus, qui trouve son origine dans un marché d’animaux de la ville chinoise de Wuhan. Si les scientifiques s’interrogent toujours sur l’espèce qui, la première, aurait transmis le virus à l’homme, plusieurs voix s’élèvent pour incriminer un animal déjà mis en cause dans de nombreuses épidémies de maladies mortelles pour l’homme : la chauve-souris. Dans article publié par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), Jean-François Sylvain, son Président, indique ainsi que « le séquençage du virus de Wuhan suggère que ce dernier est proche de coronavirus que l’on trouve chez les chauves-souris« , et que cette dernière serait donc probablement l’hôte premier du 2019-nCoV. Il précise par ailleurs qu’alors qu' »il existe deux fois moins d’espèces de chauves-souris que de rongeurs, on identifie pratiquement autant de virus chez les premières que chez les derniers, un même virus pouvant infecter en moyenne deux fois plus d’espèces de chauves-souris que de rongeurs« . Cette richesse virale procède en grande partie de leur comportement sympatrique – plusieurs espèces partageant le même habitat – qui facilite la transmission interspécifique. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Mais comment expliquer la transmission du coronavirus à l’homme ? Le type de marché où a débuté l’épidémie « accumule des dizaines d’espèces animales vivantes, domestiques et
sauvages, dans des conditions de stress élevées, souligne la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) dans un communiqué. C’est idéal pour tester la sensibilité croisée de diverses espèces animales à leurs virus, bactéries et parasites respectifs. Ces conditions ne correspondent pas du tout aux environnements naturels de ces espèces, quelles qu’elles soient. » Et dans ces marchés, des contacts directs ont lieu entre l’homme et des animaux capturés dans leur milieu sauvage. « La consommation, en particulier en Afrique ou en Asie du sud-est, de viande de brousse, et plus généralement d’espèces sauvages, se traduit par des contacts physiques directs qui peuvent être à l’origine de ce type de transmission à l’Homme (captures, cuisson imparfaite, consommation)« , clarifie Jean-François Sylvain. De manière plus globale, ces contacts sont facilités par l’accroissement des activités humaines: déforestation, développement des surfaces agricoles, création d’infrastructures routières, commerce d’animaux sauvages… « Réduire la prévalence des zoonoses ne passe donc pas par une éradication des populations de chauves-souris au prétexte que ce groupe taxonomique est prédisposé à héberger un grand nombre de virus potentiellement dangereux, mais par la réduction de l’artificialisation des écosystèmes aujourd’hui encore peu anthropisés (forêts tropicales notamment) et par la mise en place de réglementations strictes interdisant la capture et la consommation de chauves-souris« . Et le chercheur de rappeler l’importance du rôle écologique des chauves-souris : les espèces frugivores disséminent pollens et graines des plantes, tandis que les espèces insectivores régulent les populations de moustiques et de certains ravageurs de cultures.

Le pangolin, petit mammifère à écailles menacé d’extinction, pourrait être l’animal qui a transmis le nouveau coronavirus à l’homme, ont estimé vendredi des scientifiques chinois. Des chercheurs de l’Université d’agriculture du sud de la Chine ont identifié le pangolin comme « un possible hôte intermédiaire » ayant facilité la transmission du virus, a indiqué l’université dans un communiqué, sans plus de précisions. Après avoir testé un millier d’échantillons provenant d’animaux sauvages, les savants ont déterminé que les génomes de séquences de virus prélevés sur les pangolins étaient à 99% identiques à ceux trouvés sur des patients atteints du nouveau coronavirus, selon l’agence de presse étatique Chine nouvelle. Vu la nature de ce coronavirus, les experts soupçonnaient « l’hôte intermédiaire » d’être un mammifère. L’hypothèse d’un serpent, un temps avancé, avait vite été balayée. Lors de l’épidémie de Sras (2002-03), également causée par un coronavirus, l’intermédiaire était la civette, un petit mammifère. Dans le cadre de ses mesures pour enrayer la récente épidémie, la Chine a annoncé fin janvier une interdiction temporaire du commerce d’animaux sauvages, interdisant pour une période indéterminée l’élevage, le transport ou la vente de toutes les espèces animales sauvages. Près de 100.000 pangolins sont victimes chaque année en Asie et en Afrique d’un trafic illégal qui en fait l’espèce la plus braconnée au monde, largement devant les éléphants ou rhinocéros, dont les cas sont bien plus médiatisés, selon l’ONG WildAid. Leur chair délicate est très prisée par des gourmets chinois et vietnamiens, tout comme le sont leurs écailles, leurs os et leurs organes par la médecine traditionnelle asiatique. « Un tel commerce d’espèces sauvages est responsable de terribles souffrances pour les animaux et met en danger la santé des humains, comme nous pouvons le voir aujourd’hui, a commenté Neil D’Cruze, un responsable de l’organisation Protection mondiale des animaux (WAP), dans un communiqué. Si nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir les épidémies de maladies mortelles telles que le coronavirus, alors une interdiction permanente du commerce des espèces sauvages, en Chine et dans le monde, est la seule solution »,a-t-il estimé. En 2016, la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (Cites) a voté l’inscription des pangolins à son annexe 1, qui interdit strictement son commerce. Malgré cette mesure, leur trafic n’a fait que s’accroître, selon des ONG.

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