Le programme Ecofaune+ tente de sauver ce qui reste d’un parc qui fut l’un des plus riches en animaux d’Afrique. Mission délicate dans cette région qui est tenue par des groupes armés issus de l’ex-rébellion de la Seleka, à majorité musulmane.
Une colonne d’hommes trempés se fraie un chemin dans l’océan de verdure qui s’étale sur les 10.000 kilomètres carrés du parc naturel de Bamingui Bandoran, situé dans le nord de la Centrafrique, en pleine zone rebelle. A sa tête, le sergent Simplice dirige son équipe de surveillants-pisteurs vers la saline où a élu domicile Christelle, un girafon. Elle jouit d’une surveillance rapprochée, étant la dernière représentante de son espèce dans cette parcelle du parc. « Elle avait des parents mais ils ont tous été tués par les braconniers », explique le sergent Simplice pendant que ses hommes déballent leur sac dans un bivouac infesté d’abeilles. Les surveillants portent sur le bras un écusson avec une tête d’élan de derby, plus grande antilope du monde, et le nom Ecofaune+. Il s’agit du dernier projet de soutien au ministère des eaux et forêts financé par l’Union Européenne (UE) et mis en oeuvre depuis 2016. « En 40 ans, on est passé de plus de 35.000 éléphants, à, j’oserais dire… 0. Les girafes sont passées de plus de 2.000 à moins d’une dizaine aujourd’hui »,déplore Hilde Vanleeuwe, responsable du suivi de la biodiversité dans le parc. « Ca fait environ 30 ans que l’UE supporte la gestion et la protection de la faune et de la biodiversité dans le nord de la RCA »,explique de son côté
Andrea Ghiurghi, coordonnateur du parc. Mais, entre chaque différent projet mis en oeuvre, il suffit d’une vacance de gestion de quelques mois pour annihiler les progrès réalisés: l’équipe partie, les locaux sont systématiquement pillés, les braconniers, parfois liés à des groupes armés, reviennent, et il faut tout recommencer.On est bien conscient du problème, mais cette fois-ci, le projet Ecofaune+ se transformera sans interruption dans le projet Ecofac 6 (Eco système forestier Afrique centrale) » qui sera également financé par l’UE », affirme Andrea Ghiurghi.
En 2013, des rebelles de la Seleka« sont venus pour piller les armes et les munitions », se souvient un surveillant-pisteur. Il affirme que certains de ses collègues ont même été enrôlés de force dans la rébellion, à cause de leur grande expérience du combat. « Avant 2013, à chaque mission on s’accrochait avec des Soudanais janjawid, miliciens de la région du Darfour, raconte le sergent Eric en chassant de la main une nuée de moucherons. Un jour, on est tombé dans une embuscade, une colonne de 80 Soudanais, mieux armés que nousavec des fusils d’assaut, des lances-roquettes, des grenades« , se souvient Simplice. On était 12, mais seulement 7 d’entre nous sont revenus, ajoute-t-il, en caressant la cicatrice laissée par une balle qui lui a frôlé la nuque. Nous on a que la Kalach, on fait quoi? On se débrouille avec », confirme le sergent Eric à propos de son fusil d’assaut Kalachnikov. Les incursions de miliciens janjawid, moins nombreuses qu’avant 2013, se poursuivent néanmoins. Avec l’embargo sur les armes qui frappe le pays depuis 2013, les pisteurs ne peuvent compter que sur leur connaissance du terrain et leur entrainement, dispensé par un ancien parachutiste français. L’Etat centrafricain rechigne à leur envoyer d’autres armes, de peur qu’elles ne tombent entre les mains des rebelles. La pénurie d’armes n’est pas la seule conséquence de l’absence de l’Etat : sans appareil judiciaire, les pisteurs doivent relâcher les braconniers, après 48 heures de garde à vue et quelques travaux d’intérêt général.« C’est un métier très très dangereux mais c’est notre patrimoine », souligne le sergent Eric, qui veut croire au retour des animaux.