Le 14 janvier 2021, après plusieurs mois d’instruction, le tribunal judiciaire de Grenoble a interdit une entreprise hydroélectrique d’exercer pendant deux ans pour non-respect du débit minimum à maintenir dans un cours d’eau.
En juillet 2019, dans le cadre d’un contrôle en période estivale (dans un contexte de sécheresse et forte sensibilité des milieux et cours d’eau), les inspecteurs du service départemental de l’Isère de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont constaté un débit anormalement faible dans le bassin-versant de l’Ebron, en aval d’une prise d’eau sur la commune de Prébois (38). Les mesures de débit sur site avaient confirmé les suspicions avec un débit de l’ordre de 15 litres/seconde dans le lit de la rivière (au lieu d’un minimum réglementaire de 92 l/s). L’inspection de l’ouvrage mit rapidement en évidence la mise en place volontaire d’une planche au niveau du passage prévu pour faire passer le débit réglementaire dans le cours d’eau, permettant ainsi de dévier plus d’eau vers la turbine hydroélectrique.
« Le débit d’un cours d’eau est un élément fondamental pour qu’il puisse accueillir une faune et une flore variées et abondantes, celles-ci ayant un rôle important dans sa capacité d’autoépuration, rappelle l’OFB dans un communiqué. Les écoulements créent une diversité d’habitats permettant l’installation et la dynamique de tout l’écosystème aquatique. » Dans ce contexte, pour encadrer les activités prélevant de l’eau dans les rivières, la loi prévoit l’obligation de maintenir en permanence a minima 1/10ème du débit moyen du cours d’eau et parfois plus si nécessaire : c’est le débit réservé. Une centrale hydroélectrique par exemple peut utiliser l’eau du cours d’eau mais doit s’assurer de laisser en permanence ce débit minimum réglementaire. « Le non-respect du débit réservé a un fort impact négatif sur la faune aquatique d’un cours d’eau. La baisse du débit entraîne une diminution de la surface mouillée et de la vitesse de l’eau, et donc une réduction de la capacité d’accueil et de la qualité de l’habitat pour toute la faune liée à la rivière (invertébrés aquatiques et toute la chaîne alimentaire qui en dépend : poissons, batraciens, oiseaux, chauves-souris, etc.). »
L’entreprise hydroélectrique concernée dans cette affaire avait déjà été sanctionné en 2015 et condamnée à 150 euros d’amende. Elle avait donc une bonne connaissance des enjeux et de la réglementation. Dans le jugement de ce nouveau délit, le parquet a souhaité compléter la peine d’amende, portée à 1000 euros, par une mesure de suspension d’activité pendant deux ans assortis d’une obligation de communication dans la presse, ainsi que des dédommagements pour les parties civiles : la fédération départementale de pêche, France Nature Environnement Isère et France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes. L’exploitant condamné a fait appel mais ce jugement indique une volonté de renforcer l’effet dissuasif des sanctions pour les atteintes à l’environnement et en particulier aux milieux aquatiques.