🔻 Pêche électrique : Bloom accuse la Commission européenne de « corruption morale »

2547
⏱ Lecture 3 mn.

Par un tour de passe-passe sémantique, la Commission reconnaît que les navires hollandais pêchent illégalement… mais les autorise à continuer !

Depuis 2007, chaque État membre de l’Union européenne a pu convertir, au maximum, 5% de sa flotte de chaluts à perche pour pratiquer la pêche électrique dans la partie sud de la Mer du Nord. Les Pays-Bas, seuls à utiliser cette dérogation, sont allés bien au-delà de ce cadre légal, équipant officiellement 84 navires au lieu des 15 réglementaires. Depuis la mise en œuvre du nouveau règlement européen prévoyant l’interdiction totale et définitive de la pêche électrique au 1er juillet 2021, les Pays-Bas avaient déséquipé 62 de ces navires, atteignant ainsi 22 navires depuis janvier 2020. Toujours 7 de trop ! L’association Bloom « entièrement dévouée aux océans et à ceux qui en vivent », adonc saisi le 5 juin dernier la Médiatrice européenne, qui a ouvert le 14 juillet une enquête au sujet du manquement de la Commission européenne à ses obligations de faire respecter les traité, et donc de contraindre les Pays-Bas à s’en tenir à la norme de 15 navires. Suite à cette initiative, la Commission a finalement donné raison à BLOOM en reconnaissant que les Pays-Bas ont délivré un nombre illégal de dérogations pour équiper ses navires en chaluts électriques.

Mais…  la Commission, par une interprétation étonnamment « créative » du règlement en vigueur, autorise toujours les Pays-Bas à conserver près de 50% de dérogations illégales. Comment ? En jouant sur les mots. Et en se félicitant d’avoir « obtenu les assurances nécessaires de la part de cet État membre qu’un système serait mis en œuvre incessamment, garantissant que pas plus de 15 chalutiers à perche utilisant le courant électrique impulsionnel ne seraient autorisés à opérer simultanément ». Or le règlement adopté ne prévoit nullement cette disposition, qui autorise de fait les pêcheurs néerlandais à procéder à une quantité de prises nettement supérieures à ce qui est stipulé, au détriment de la ressource halieutique et des pêcheurs des autres Etats-membres qui s’abstiennent, pour leur part, de se livrer à cette pratique.

« Il est inadmissible que la Commission européenne continue d’inventer des passe-droits pour cet État multi-fraudeur. Le règlement européen est on ne peut plus limpide : il implique un maximum de 15 navires pour les Pays-Bas jusqu’au 1er juillet 2021, date à laquelle les chaluts électriques seront déséquipés, pas 15 navires opérant simultanément, les autres attendant leur tour au port ! La différence est immense, et confirmer cette interprétation abusive serait très dangereux car elle ferait jurisprudence », s’indigne Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. « Ce n’est pas comme si le problème était nouveau : cela fait maintenant 10 ans que les Pays-Bas piétinent les règlements européens à ce sujet. Les malversations continues des Pays-Bas ont eu des conséquences délétères sur la pêche artisanale en mer du Nord et creusent la défiance des citoyens envers les institutions européennes. Pendant que l’industrie s’est engraissée, des petits pêcheurs côtiers ont mis la clé sous la porte. La Commission ne peut pas continuer de fermer les yeux comme elle le fait », continue Sabine Rosset, directrice de BLOOM.

Lors de son audition devant le Parlement européen au moment de la confirmation de la Commission, le commissaire chargé de l’environnement, des océans et de la mer, Virginijus Sinkevičius avait pourtant déclaré : « La valeur d’une législation dépend de sa mise en œuvre. Je travaillerai en étroite collaboration avec les États membres pour améliorer cette mise en œuvre dans tous les domaines politiques. J’utiliserai tous les outils à ma disposition, notamment le dialogue, l’examen de la mise en œuvre de la législation environnementale, les procédures d’infraction et la Cour de justice de l’UE. Nous avons besoin de lois qui fonctionnent pour nos citoyens, pour l’environnement, pour les océans et la pêche et pour les entreprises de toute l’Union européenne ».