Le Parrain

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Jeudi dernier, Arnaud Rousseau a condescendu à distraire 90 minutes de son précieux temps pour accorder une audience à Emmanuel Macron.

Pour mémoire, Arnaud Rousseau est le président de la FNSEA, et simultanément le patron du groupe Avril, un géant des huiles, des agrocarburants et de l’alimentation des animaux d’élevage (près de 7 milliards de chiffre d’affaires en 2021). Et Emmanuel Macron, c’est le type qui, bombant le torse et bandant ses petits biceps, fait mine de présider la « chose publique », ou ce qu’il en reste.

Le ton de M. Rousseau lorsqu’il a rendu compte de l’entretien auprès de l’AFP en dit long sur l’arrogance avec laquelle il a toisé son interlocuteur. Alors que le matin même le ministre de l’Économie avait osé évoquer la suppression de la détaxe pour le gazole utilisé par les agriculteurs, « J’ai expliqué (au président) qu’à ce stade, on n’avait pas de solution alternative » a rapporté M. Rousseau, et qu’« il n’était pas question que cette niche disparaisse, que c’était pour nous un casus belli ». Bon élève, M. Macon a « pris des notes », « beaucoup écouté », et M. Rousseau a « le sentiment »d’avoir été « entendu ».

Le soutien au gazole agricole, moteur d’une agriculture industrielle ravageuse pour les sols et la biodiversité, coûte 1,3 milliard d’euros par an aux finances publiques, selon Bercy.

Quatre jours plus tard, rétropédalage gouvernemental : le ministre de l’Agriculture transforme la fin de la détaxe du gazole agricole en « une transition, pas une suppression »…

En juin déjà, M. Rousseau s’était permis de menacer très directement la République, enjoignant au gouvernement de dissoudre sans délai les Soulèvements de la Terre, faute de quoi « je ne suis pas sûr de tenir longtemps mes troupes (…) ». « Un incident peut arriver », ajoutait-il suavement.

Les parrains de toutes les mafias ne s’expriment pas autrement.

Message reçu 5/5 : M. Macron exigea le jour même que les Soulèvements soient dissous… avec le succès judiciaire que l’on sait : constatant la très probable illégalité de la mesure, le Conseil d’État l’a suspendue dès le 11 août.

« Un État dans l’État » ? On savait déjà que la FNSEA adoube tous les ministres de l’Agriculture. On sait désormais qu’elle dicte aussi sa conduite au président de la République.

« Un État au-dessus de l’État » serait plus conforme à la réalité.