Un programme de lutte contre la pauvreté en Indonésie, consistant à donner de l’argent aux populations nécessiteuses sous certaines conditions, a permis une réduction de 30 % de la perte de couverture forestière dans les villages, selon une étude.
2019 a marqué la troisième année consécutive de ralentissement du rythme de la déforestation en Indonésie. Ce revirement peut s’expliquer en partie par le programme de lutte contre la pauvreté de l’archipel. Cette initiative est associée à une réduction de 30 % de la perte de couverture forestière dans les villages, rapportent des scientifiques dans une nouvelle étude. En 2007, l’Indonésie a commencé à mettre en place un programme qui donne de l’argent à ses habitants les plus pauvres sous certaines conditions, comme l’obligation de maintenir les enfants à l’école ou d’obtenir des soins médicaux réguliers. Appelés « transferts conditionnels en espèces » (TCE), ces programmes d’aide sociale sont conçus pour réduire les inégalités et briser le cycle de la pauvreté. Ils sont déjà utilisés dans des dizaines de pays du monde entier. En Indonésie, le programme a permis de fournir suffisamment de nourriture et de médicaments pour réduire considérablement les graves problèmes de croissance des enfants. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Mais les TCE ne tiennent généralement pas compte des effets sur l’environnement. En fait, la réduction de la pauvreté et la protection de l’environnement sont souvent considérées comme des objectifs contradictoires, explique Paul Ferraro, économiste et spécialiste du comportement à l’université Johns Hopkins. En effet, la croissance économique peut être corrélée à la dégradation de l’environnement, alors que la protection de l’environnement est parfois corrélée à une plus grande pauvreté. Une étude basée sur une région du Mexique ayant institué des TCE, a soutenu ce point de vue : comme les gens recevaient plus d’argent, certains d’entre eux pouvaient avoir plus de terres défrichées pour élever du bétail destiné à la viande, explique M. Ferraro.
Ferraro et Rhita Simorangkir, microéconomiste à l’Université nationale de Singapour, ont voulu savoir si le programme de réduction de la pauvreté en Indonésie avait un impact sur la déforestation. L’Indonésie possède la troisième plus grande superficie de forêt tropicale au monde et l’un des taux de déforestation les plus élevés, en particulier de forêts primaires. Ils ont analysé des données satellites montrant la perte annuelle de forêts de 2008 à 2012 – y compris pendant la mise en place progressive du programme de lutte contre la pauvreté en Indonésie – dans 7 468 villages boisés répartis dans 15 provinces et sur plusieurs îles. Ils ont séparé les effets du programme TCE sur la perte de forêts d’autres facteurs, comme les changements météorologiques et macroéconomiques, qui ont également affecté la perte de forêts. Ainsi, « nous constatons que le programme est associé à une réduction de 30 % de la déforestation, explique M. Ferraro. Et la moitié ou plus [de cette réduction] provient des forêts primaires« .
Ces résultats s’expliquent probablement parce que les populations pauvres des zones rurales utilisent l’argent comme une assurance de fortune contre les intempéries, explique Ferraro. En général, si les pluies sont retardées, les gens peuvent défricher des terres pour planter plus de riz afin de compléter leurs récoltes, dit-il. Avec les TCE, les individus peuvent utiliser l’argent pour compléter leurs récoltes à la place. Ferraro et Simorangkir suggèrent que leurs résultats pourraient être applicables à d’autres régions d’Asie, en raison de points communs tels que l’importance de la riziculture et l’accès au marché. Et indépendamment de cela, l’étude montre que ce qui est bon pour les gens peut aussi être bon pour l’environnement, souligne Ferraro.
[/ihc-hide-content]