La flore africaine dévoilée

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A l’initiative de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) 30 chercheurs créent une base de données de plus de 22 000 espèces, en libre accès.

La flore tropicale africaine est dans l’imaginaire comme dans la réalité l’une des biodiversités végétales les plus riches et les plus contrastées du monde. On connaît peu cependant sa répartition géographique. Pour combler cette lacune, une trentaine de  chercheurs vient de réaliser une  synthèse d’envergure de cette flore, financée par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB). Les scientifiques ont compilé une large majorité des données d’occurrence végétale collectées dans cette région de 1782 à 2015. Objectif : créer une base de données unique et en libre accès, RAINBIO, offrant le premier état des lieux jamais réalisé de la flore d’Afrique tropicale.

« Nous avons référencé la distribution géographique de 22 577 espèces de plantes dans RAINBIO, indique le porteur du projet et chercheur à l’IRD Thomas Couvreur. Les forêts d’Afrique centrale représentent la zone la plus riche en termes de biodiversité (10 306 espèces recensées), suivies par les forêts d’Afrique de l’Est (6 789 espèces) et les forêts d’Afrique de l’Ouest (4 396 espèces). Pour la première fois, nous établissons sur des bases solides le nombre d’espèces d’arbres dans les forêts tropicales d’Afrique. Au nombre de 3 013, elles représentent seulement 5 à 7 % du nombre total d’espèces d’arbres des zones tropicales ».

Plus encore, cette étude identifie les liens entre les différentes formes biologiques des plantes et les particularités climatiques de leur habitat. Les herbacées représentent 43,8 % des espèces recensées. Elles sont prédominantes dans les régions sèches de savane, par exemple au Sénégal, au Burkina Faso ou en Tanzanie. Les arbres et les lianes sont majoritairement représentées dans les zones couvertes par les forêts tropicales notamment en Afrique Centrale et de l’Ouest : République du Congo, Gabon et Sud du Cameroun. Les buissons couvrent quant à eux la région côtière d’Afrique de l’Est connue pour sa mosaïque de forêt, de savane et de marais. Les montagnes (Monts Nimba et Cameroun, entre autres) se caractérisent par la forte présence d’épiphytes, comme les orchidées.

« Nous avons identifié des zones peu échantillonnées botaniquement et présentant un fort potentiel de renouvellement floristique, localisées notamment dans les régions montagnardes et côtières, poursuit le scientifique. Ces espaces sont prioritaires en termes d’échantillonnage car de nombreuses espèces peuvent y être découvertes ». Des pays comme le Libéria, le Bénin, le Cameroun et le Gabon font partie des zones les mieux explorées en termes de recherche botanique. De nouvelles espèces y sont encore découvertes, tel le Sirdavidia solannona au Gabon en 2015. A contrario, la biodiversité de l’Angola, de la République du Congo ou de la Somalie reste peu collectée et est donc peu connue. Les efforts de prospection de chaque Etat sont généralement liés à la situation politique de la région et à la mise en place de programmes nationaux de protection de la faune et de la flore. « D’après nos données, aucun pays d’Afrique tropicale ne peut aujourd’hui prétendre que sa flore est correctement connue. Cette situation devrait inciter les gouvernements à redoubler d’effort en terme d’inventaire botanique », souligne Thomas Couvreur.

En ce sens, les chercheurs développent à partir de l’ensemble de ces résultats et des travaux à venir des méthodes innovantes pour mieux estimer les niveaux de menaces actuelles et futures pesant sur la biodiversité en Afrique tropicale. Ces travaux contribueront au suivi des espèces et à l’amélioration de la gestion d’une biodiversité fragile et en mutation.

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