Des corbeaux savent prévoir l’outil donnant accès à un aliment 

Photo d'illustration ©Alexas Fotos de Pixabay.

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Des corbeaux calédoniens savent prévoir quel outil leur servira ensuite à atteindre une source de nourriture, selon une étude, qui apporte une preuve supplémentaire des capacités cognitives de cette espèce.

On savait déjà que les corbeaux calédoniens utilisent des « outils« , tels que des brindilles, pour atteindre par exemple une larve nichée dans un tronc d’arbre. Les scientifiques ont constaté ensuite qu’ils pouvaient, dans une expérience, utiliser une tige, trop courte, pour en obtenir une autre permettant d’accéder à une récompense. Le Pr. Markus Böckle, de l’Université de Vienne, est allé plus loin en montrant avec son équipe que des corbeaux calédoniens peuvent planifier une opération à venir, une des capacités définissant l’intelligence humaine. Les oiseaux ont appris à utiliser trois outils, – une tige, un caillou et un crochet -, fonctionnant chacun exclusivement avec un dispositif dédié, contenant un petit morceau de viande.

On les a entraînés ensuite à suivre une séquence bien précise, mais seulement avec le dispositif fonctionnant avec la tige – un tube de plexiglas – explique l’étude publiée mercredi dans les Proceedings of the Royal Society. Dans un compartiment, on leur montrait le tube contenant un morceau de viande pendant une minute. On plaçait ensuite le corbeau dans un compartiment adjacent, où après cinq minutes on lui présentait cinq objets : les trois outils, un « distracteur » (une balle), et un petit morceau de pomme, -qui fait partie de son régime alimentaire. Après avoir choisi un des cinq objets, l’oiseau devait attendre encore dix minutes avant d’être remmené dans le compartiment où se trouvait le tube contenant la viande, qu’il récupérait grâce à la tige. Ce faisant les oiseaux ont passé avec succès l’épreuve du marshmallow, dans laquelle on propose à un enfant la gourmandise, – la pomme pour le corbeau -, en lui expliquant qu’en se retenant de l’engloutir, il en obtiendra un plus grand nombre plus tard, – la viande pour l’oiseau.

Cette expérience de « voyage mental dans le temps« , comme on l’appelle, teste la capacité du sujet à se projeter dans l’avenir. « On la trouve chez l’enfant à partir de 4 à 6 ans« , a expliqué à l’AFP le chercheur du département de biologie cognitive. Mais dans son expérience, » il y a une difficulté supplémentaire, parce que l’oiseau doit effectuer une tâche technique, choisir un outil, pour atteindre son objectif ».

Quatre des six corbeaux testés ont fait la preuve de leur capacité à se projeter dans le temps. Comme dans la deuxième expérience, toujours avec le seul tube, mais contenant cette fois un morceau de pomme. Placés dans le compartiment à outils, où un morceau de viande les attendait à la place, ils n’ont pas hésité à s’en saisir plutôt que d’attendre une récompense moins goûteuse. Puis les choses se sont corsées, pour les quatre corbeaux sur les six ayant passé avec succès ces deux épreuves.

Afin de s’assurer que leur choix d’un outil ne résultait pas d’un « apprentissage par association« , en associant en l’occurrence la tige à une récompense, on les a soumis, à cinq reprises et dans un ordre alternatif, à deux séquences qu’ils n’avaient jamais expérimentées. L’une avec le dispositif fonctionnant avec le caillou, et l’autre celui avec le crochet. « C’est la phase délicate« , explique le Pr. Böckle, car les trois outils « ont la même valeur, chacun étant la solution dans une situation, mais pas dans les deux autres« . Il leur a fallu « effectuer une sorte d’exercice mental sur ce qu’ils auraient à faire dans le futur ». Trois des quatre corbeaux restant ont passé le seuil attribuable à la chance. Le champion, Neptune, a choisi le bon outil neuf fois sur dix, suivi par Triton et Uranus, avec sept sur dix. Des succès qui, selon l’étude, sont un encouragement à vérifier plus avant la capacité des corbeaux calédoniens à maîtriser le « voyage mental dans le temps ». Et en expliquer les mécanismes.