Bilan d’un dimanche de manifestation contre les « bassines » pour l’irrigation et une méga-scierie

Photo d'illustration ©dmncwndrlch de Pixabay

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Dimanche 11 octobre, Jean-Luc Mélenchon marchait aux côtés de Yannick Jadot et d’autres opposants aux « bassines » pour l’irrigation à Épannes. Dans les Pyrénées des manifestants se sont réunis contre un projet de méga-scierie. Bilan d’un dimanche de manifestation.

À Épannes, en région Nouvelle-Aquitaine, quelques milliers de personnes dont les anciens candidats à la présidentielle Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI), Philippe Poutou (NPA) ont manifesté dimanche dans les Deux-Sèvres contre des projets de retenues d’eau, devenues un conflit emblématique entre agriculteurs et écologistes sur l’usage de l’eau.

Porteurs de pancartes « Eau voleur ! » « Eau secours, No Bassaran !« , les manifestants ont traversé dans l’après-midi le village d’Épannes, l’un des sites prévus pour 16 retenues d’eau hors sol –« bassines » comme les appellent leurs opposants– pour l’irrigation agricole de plus de 200 exploitations. Un premier chantier devrait débuter au printemps 2021. Les drapeaux de partis EELV, PCF, LFI, NPA syndicats, associations de défense de l’environnement, flottaient au sein du cortège pacifique, en musique, qui a rassemblé près de 3.000 personnes selon l’organisateur, le collectif « Bassines, non merci ! », et 2.000 selon la police.

Les « bassines« , a estimé M. Mélenchon « sont un symbole du cycle de l’eau qui va devenir un problème transversal« , et la rareté de l’eau « thème central » pour LFI. « Être contre des retenues d’eau ne parait pas aller de soi« , mais la captation d’eau met en péril des zones humides telles que le Marais poitevin, 2e zone humide de France après la Camargue, et que le leader de LFI a visité dimanche matin. « Il faut décréter que l’eau est un bien commun. Personne ne peut se l’approprier sans que la collectivité ait donné son mot« , a lancé M. Mélenchon, à l’issue de la marche, à laquelle participait également l’altermondialiste José Bové.

Yannick Jadot a pour sa part jugé « insupportable, dans le débat public, de vouloir diviser les écologistes et les paysans ». Mais il a pointé du doigt la FNSEA, qui soutient les bassines, « mirages de l’eau magique préservée pour quelques irrigants, mais rien pour les autres ». L’opposition aux bassines s’est ces dernières années cristallisées dans les Deux-Sèvres, site d’une douzaine de 16 retenues prévues dans la région (avec Charente-Maritime et Vienne voisines), sur le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon, crucial pour l’alimentation du Marais poitevin. Les opposants, dont « Bassines non merci ! » dénoncent le risque d’assèchement des nappes profondes, autour de ces retenues d’eau selon eux surdimensionnées, pour quelques exploitants irrigants. Et qui, pour eux perpétuent « un modèle productiviste » agricole.

Dans le même temps dimanche, la FNSEA des Deux-Sèvres a dénoncé « l’incendie criminel » samedi, de matériel d’irrigation (en l’occurrence un tuyau) chez un agriculteur de Mauzé-sur-le-Mignon. L’agriculteur va porter plainte, et le syndicat se porter partie civile. Le président de la FNSEA-79 Grégory Nivelle a déploré à l’AFP « un contexte local tendu », avec au moins trois actes de vandalisme ces dernières semaines contre de l’équipement d’irrigation.

Alors que certains se battent contre les « bassines » d’irrigation, d’autres marchent pour protester contre les scieries. Un millier de manifestants se sont réunis dimanche 11 octobre à Lannemezan, commune des Hautes-Pyrénées. Ils protestaient contre un projet d’une méga-scierie au volume de production jugé « démesuré », « Florian, tu vas voir de quel bois on se chauffe« , crient les manifestants.

Bravant la pluie, les manifestants rassemblés à l’appel du collectif « Touche pas à ma forêt » qui réunit une quarantaine d’associations et d’organisations politiques et syndicales ont interpelé le groupe italien Florian, porteur du projet. « Projet Florian, fais pas scier« , « Hêtre plutôt qu’avoir« , ou encore « Florian, tu vas voir de quel bois on se chauffe« , pouvait-on lire sur leurs pancartes. Cette grande scierie demanderait un approvisionnement de 50.000 m3 de bois d’œuvre par an, sur une zone d’exploitation comprenant plusieurs départements des Pyrénées. « Mais pour avoir 50.000 m3 de bois d’œuvre, il faut couper entre 400.000 et 500.000 m3 d’arbres par an, soit l’équivalent de 2.200 à 3.000 stades de football », assure Pascal Lachaud, élu PCF dans la commune voisine de Capvern et l’un des porte-paroles du collectif.

« On demande un moratoire sur ce projet de méga-scierie qui symbolise un modèle dont on ne veut plus », lance-t-il. « C’est un projet dangereux pour la biodiversité qui me révolte« , enchérit Guy Hoffmann, l’un des participants à la manifestation, venu de Bagnères-de-Bigorre. « On est sur quelque chose qui va déforester les Pyrénées. C’est du pillage, tout simplement », insiste le militant écologiste Thomas Brail, qui s’était fait connaître en passant près d’un mois perché sur un platane devant le ministère de la Transition écologique pour dénoncer l’abattage des arbres.

Le « week-end de mobilisation » contre le projet a également réuni samedi 1.300 personnes, selon le collectif, dans quatre villes des départements pyrénéens. Des militants écologistes, de la CNT ou encore des familles avec enfants. « Ce n’est pas une méga-scierie », rétorque Bernard Plano, le maire de Lannemezan et président de l’intercommunalité, qui pilote le projet. Selon lui, « ces mots sont employés pour faire peur. Il y a beaucoup de scieries bien plus importantes que celles que l’on projette d’installer ». « Le nombre de mètres cubes qui seront prélevés seront bien inférieurs à l’accroissement naturel annuel de la forêt« , assure l’élu, qui a commandé trois études pour estimer la ressource disponible, mais dont les conclusions ont rapidement été contestées par les adversaires du projet. « La scierie emploierait 25 personnes, plus 25 autres qui travailleraient dans une future unité de transformation en produits finis. Et il faut ajouter 100 emplois liés aux prélèvements du bois« , poursuit M. Plano, prévoyant « une coopération entre la société Florian et le tissu économique local ».« On n’y croit pas« , répond Pascal Lachaud, dont le collectif dénonce aussi les financements publics qui pourraient être accordés pour l’implantation de l’entreprise. « Cela va par contre détruire la petite filière existante. Il y a déjà plein de petites scieries dans les vallées qui mettent la clé sous la porte », dit-il. « Une méga structure comme celle-là va sûrement leur porter un coup fatal« , insiste Michel Larive, député La France Insoumise de l’Ariège, présent à la manifestation.

De son côté, la présidente de la région Occitanie Carole Delga qui a lancé des études de faisabilité, plaide pour davantage de dialogue. « La concertation doit être le préalable à toute avancée du projet« , assure-t-elle. « Il faut plus d’apaisement et une vraie démocratie sur ce sujet-là« , insiste le député LREM des Hautes-Pyrénées Jean-Bernard Sempastous. Muet depuis la divulgation du projet, le groupe Florian s’est exprimé pour la première fois jeudi dans un communiqué, se disant prêt à poursuivre « l’analyse de la conception du projet et à proposer des pistes d’amélioration et de progrès ». « On a commencé à définir un projet alternatif. On souhaite une vraie filière bois pour les Pyrénées : on veut fabriquer nos meubles ici et pas que notre bois parte en Chine », indique M. Lachaud du collectif. « Il y a quelque chose à faire, notamment pour le hêtre, mais pas un projet sur 10 ans qui va juste exploiter la ressource. Il faut travailler sur la durabilité de la filière », estime M. Larive.