L’association Sea Shepherd, ONG de défense des océans, a annoncé lundi avoir déposé plainte auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) contre l’aquarium Nausicaà après la mort prématurée des trente requins-marteaux du centre aquatique basé à Boulogne-sur-Mer.
Le dernier des trente requins-marteaux de l’aquarium Nausicaà, basé à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) est mort jeudi, selon le centre aquatique, qui entend « comprendre » et « progresser encore » pour améliorer les conditions de captivité des ces animaux « menacés à l’état sauvage ». Arrivé d’Australie il y a huit ans, le requin mort jeudi ne s’alimentait plus depuis trois semaines et avait été placé en observation à l’écart des visiteurs. Il était atteint d’une fusariose, infection causée par « un champignon qui envahit toutes les voies internes du requin, a expliqué vendredi à l’AFP le directeur de Nausicaà, Philippe Vallette. Au total, trente requins-marteaux sont morts prématurément dans l’aquarium entre 2011 et 2019. Toujours capturés dans leur milieu naturel à l’état juvénile, pour « limiter l’impact du prélèvement, ces animaux sont fortement menacés dans la nature: 100 millions sont tués chaque année pour leurs ailerons », a assuré M. Valette. S’il s’attendait à des pertes, en raison notamment de l’âge d’importation des animaux, l’aquarium entend toutefois « comprendre » les causes de cette forte mortalité. « Nos méthodes d’anesthésie sont au point, car on les utilise sur tous nos autres poissons avec succès. Ce n’est pas un problème d’oxygène: on est à plus de 100% d’oxygène dans le grand bassin, a déclaré le directeur. Mais, concernant la qualité de l’eau, malgré toutes les précautions que l’on prend pour étudier la salinité, la densité, la température et les autres paramètres, ce n’est peut-être pas assez. Il faut que l’on progresse encore sur le milieu que l’on peut donner à ces animaux« , a-t-il dit. Réagissant dans un communiqué, le maire de Boulogne-sur-Mer Frédéric Cuvillier (PS) a proposé que « le réseau des aquariums mondiaux et ses scientifiques puissent se réunir pour procéder à un état des lieux des connaissances et bâtir un programme de sauvegarde ». De son côté, Nausicaa enverra dès le mois de mai deux soigneurs en haute-mer en Colombie, afin de « faire des analyses, pour savoir s’il y a des (écarts) entre ce qui se passe en mer et ce qui se passe chez nous », a indiqué Philippe Valette. La mort de ces animaux a représenté « entre 200.000 et 300.000 euros » de pertes annuelles pour l’aquarium, qui ne renonce toutefois pas à l’idée d’accueillir un jour d’autres requins-marteaux. « Si on veut faire progresser la connaissance, il faut pouvoir observer ces animaux 24 heures sur 24. On ne peut pas faire ça en mer. Et les présenter crée une empathie: le public a envie de sauver ces animaux« , a-t-il ajouté.
Ces arguments ne sont pas de nature à calmer la colère de l’association Sea Shepherd : « En 2011, l’aquarium de Boulogne-sur-Mer avait déjà capturé dans leur milieu naturel vingt requins marteaux juvéniles, l’année dernière, une dizaine de bébés avaient encore été capturés dans une nurserie. Tous sont morts dans les bassins de Nausicaà. Pourquoi, après l’échec retentissant de 2011, l’aquarium de Boulogne-sur-Mer a-t il persisté à vouloir exhiber ces animaux fragiles, menacés et dont la longévité dans leur milieu naturel excède de loin celle d’une vie captive ? », s’insurge Sea Shepherd dans son communiqué. L’association exige que « toute la lumière soit faite, notamment concernant les causes de cette mortalité, les conditions dans lesquelles les requins-marteaux ont été prélevés dans leur milieu naturel« , celles dans lesquelles ils ont été détenus dans l’aquarium, l’attribution de l’autorisation d’ouverture, ou encore la vérification scientifique des arguments liés à la préservation de l’espèce » soulevés par la direction pour justifier l’élevage de requins. En annonçant jeudi la mort de l’animal, le centre aquatique avait tenu à préciser que le requin-marteau est une espèce « fortement menacée » dans la nature, en raison notamment de la pêche à l’aileron et du braconnage, et que sa présence dans l’aquarium « avait pour mission de sensibiliser (les) visiteurs à la beauté et à la fragilité de cet animal, de mieux le connaître et observer ses comportements pour apprendre à le protéger encore mieux dans son milieu naturel ». Mais pour Sea Shepherd, « seul l’appât du gain, couplé à une incompétence et une irresponsabilité flagrantes peuvent expliquer cette hécatombe et l’alibi de la protection pour justifier une exploitation commerciale d’espèce menacée est insupportable car, contrairement aux mensonges de l’industrie de la captivité, la vie n’est ni plus douce ni plus longue pour les animaux détenus. Si Nausicaà souhaite réellement aider à protéger les requins-marteaux (…) les trois millions d’euros de fonds publics engloutis dans ce projet d’exhibition auraient dus être investis dans la lutte contre le braconnage », jugent encore les militants. Pour eux, l’aquarium doit « rendre des comptes sur ce qui s’est réellement passé, d’autant plus que ses financements sont très largement publics ».