Les holothuries, le trésor convoité des eaux de Nouvelle-Calédonie

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Les braconniers vietnamiens menacent les concombres de mer des eaux calédoniennes

Les concombres de mer calédoniens font des envieux : ces holothuries, prisées des gourmets asiatiques, vivent toujours en nombre dans les eaux proches du Caillou mais ont été surpêchées ailleurs. Et elles suscitent l’appétit de pêcheurs vietnamiens qui viennent depuis peu braconner. « C’est un phénomène que nous observons depuis environ neuf mois. 70 bateaux ont été identifiés, 55 verbalisés et 5 ont été arraisonnés », a déclaré à l’AFP Jean-Louis Fournier, commandant de la zone maritime en Nouvelle-Calédonie. Cinq capitaines vietnamiens purgent actuellement des peines de 8 à 10 mois de prison, plusieurs tonnes d’holothuries ont été saisies et une trentaine de matelots renvoyés au Vietnam.

Surnommés les « blue boats » en raison de leur coque bleue, ces bateaux-pirate font trois à quatre semaines de mer dans des conditions spartiates depuis les côtes vietnamiennes pour venir pêcher illégalement, généralement dans le nord de la vaste zone économique exclusive (ZEE) de l’archipel français (1,3 million de kilomètres carrés). « À bord, ces pêcheurs n’ont pas de papiers, pas d’argent, pas de carte mais ils sont très déterminés. Ils pêchent au narguilé (méthode de pêche dangereuse qui consiste à plonger avec un mince tube d’air relié au bateau, ndlr) entre 10 à 40 mètres », explique le commandant Fournier, qui évoque « des flottilles bien organisées ».

Semblables à des gros boudins noirs ou marrons, les holothuries, aussi appelées concombres de mer ou bêches de mer constituent un mets de luxe sur les tables asiatiques, dont les cours se sont envolés au cours des dernières années. Une fois pêchés, ces animaux de la même famille que les étoiles de mer et dont il existe une centaine d’espèces, sont vidés, bouillis puis séchés et sont ensuite consommés en ragoût ou en soupe essentiellement par les Chinois. Ils sont aussi réputés pour leurs vertus médicinales voire aphrodisiaques. « Tous les petits pays insulaires du Pacifique et les pays asiatiques ont épuisé leurs ressources. Aujourd’hui, les prix peuvent grimper jusqu’à 1 000 ou 2 000 euros le kilo », souligne Pascal Dumas, chercheur à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) de Nouméa.

Pêcheurs agressés

Sur la côte ouest de la province Nord de Nouvelle-Calédonie, le scientifique a contribué à l’élaboration d’une aire de gestion durable de pêche aux holothuries. L’archipel exporte à ce jour environ 50 tonnes annuelles de produit séché en Asie et entend développer cette filière au fort potentiel pour diversifier son économie, sans dilapider la ressource. Une réglementation pour huit espèces sur la taille minimum des animaux autorisés à la pêche, des permis de collecte et une surveillance des stocks sont par exemple en place.

La province Sud a de son côté investi dans une unité aquacole, qui a fourni 550 000 juvéniles l’an dernier à des fermes produisant également des crevettes. La première récolte aura lieu en avril. Des juvéniles ont également permis d’ensemencer une baie à l’extrême Nord. Mais le « pillage » des « blue boats » a déclenché la colère des pêcheurs locaux, qui réclament une plus grande surveillance de la ZEE face à « ces invasions maritimes ». « On est inquiet, les pirates mettent en péril nos ressources et l’Etat n’a pas la capacité d’assurer la surveillance », proteste Yann Moilou, qui a pris la tête d’une association de pêcheurs dont certains ont été agressés en mer par des « braconniers » vietnamiens.

Sous l’égide du Secrétariat général de la mer, une réunion consacrée à cette pêche illicite dans les eaux calédoniennes est programmée la semaine prochaine à Paris en vue de la mise sur pied d’un plan interministériel. « Nous faisons tout pour mettre une pression telle que ces pêcheurs n’aient plus envie de revenir chez nous », assure le commandant Fournier, précisant qu’une collaboration avec les Australiens, confrontés au même problème, a également été établie.