C’est l’histoire d’un concours de pêche comme les Américains en raffolent. Il est organisé chaque année en Californie depuis plus de 70 ans. Et chaque année, les poissons sont mesurés et pesés pour déterminer le palmarès. Des chercheurs ont eu la curiosité de comparer l’évolution au fil des ans du poids moyen des poissons pêchés. De 20 kg en 1957, ce poids n’était plus que de 2,3 kg en 2007. Et son évolution à la baisse est constante.
Cette observation quasiment anecdotique n’est qu’un indicateur supplémentaire d’une réalité que personne ne peut feindre d’ignorer : l’océan se meurt. Harassées par la surpêche, les populations de poissons ne peuvent plus se reconstituer. Pêchés de plus en plus petits, ils sont consommés avant d’avoir eu le temps de se reproduire. La puissance des moteurs des chalutiers a été multipliée par 7,4 entre 1950 et 2015. Dans le même temps la quantité des poissons capturés n’a été multipliée « que » par 3,4. Et la courbe de la puissance reste en hausse constante, quand celle des prises est désespérément plate.
Devant ce constat, les Etats ne restent pas inactifs, certes non ! Ils s’activent, se concertent, convoquent les scientifiques, commandent des rapports, organisent des conférences internationales, des sommets, clament que « notre maison brûle et que nous regardons ailleurs », multiplient les déclarations, les chartes, les engagements… Ils ont même entrepris il y a quinze ans de négocier un Traité mondial sur la protection de la haute mer. Bonne nouvelle : ce traité a été finalisé le 5 mars à New-York. Attention : « finalisé » ne veut pas dire « adopté », hein ! On s’est simplement engagé à ne plus retoucher ce texte. Mais il faudra attendre qu’il soit validé par les instances juridiques de l’ONU, traduit, formellement adopté, puis ratifié par au moins 120 États pour entrer en vigueur, ce qui pourrait prendre encore un à deux ans.
Bon, après 15 ans, on n’est est pas à ça près, n’est-ce pas ?
Mais sans attendre, la Commission européenne vient de rappeler aux États membres de l’UE dans un « plan d’action pour l’océan » qu’ils devaient mettre en œuvre les directives et règlements européens de protection marine, et notamment interdire les méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond dans les aires marines protégées. Car, il faut le savoir, dans ces aires dites « protégées », la pêche n’est pas prohibée ! Au contraire : 47 % de la pêche industrielle a lieu dans ces zones ! Le rappel de la Commission européenne relève donc du plus élémentaire bon sens.
Hélas, ce n’est pas l’avis du gouvernement français. Mardi 8 mars, trois jours à peine après s’être bruyamment félicité de l’accord « historique » obtenu à New-York, ce gouvernement a tombé le masque devant les Sénateurs, par la voix du secrétaire d’État chargé de la mer Hervé Berville : « Je le dis très clairement, la France, le gouvernement est totalement opposé à la mise en œuvre de l’interdiction des engins de fond dans les aires marines protégées. Totalement, clairement, et fermement ».
Contrairement à celui du Garde des Sceaux, ce bras d’honneur gouvernemental n’a ému personne.