Malgré les mises en garde, le Royaume-Uni lorgne vers les cultures génétiquement « éditées »

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Arturs Budkevics de Pixabay
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Le gouvernement britannique a annoncé  vouloir ouvrir la voie en Angleterre à la culture de plantes génétiquement éditées pour être plus résistantes et nutritives, un projet rendu possible par le Brexit.

Cette technique dite de mutagénèse est différente de la modification de gènes car elle modifie le génome sans introduire un gène d’une espèce différente. Selon le droit européen, cette nouvelle technique relève toutefois aussi des OGM et elle est donc soumise aux mêmes règles. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne permet au gouvernement d’assouplir les règles afin de faciliter la recherche et le développement, en évitant le recours à un long et coûteux processus d’autorisation. Selon le gouvernement, cela pourrait aboutir par exemple à des variétés de betterave sucrière résistantes aux virus, ce qui réduirait le recours à des pesticides chimiques.  L’édition des gènes « est un outil qui pourrait nous aider à relever certains des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés – concernant la sécurité alimentaire, le changement climatique et la perte de biodiversité », a déclaré le ministre de l’Environnement, George Eustice, dans un communiqué. « Sortis de l’UE, nous sommes en mesure de favoriser l’innovation pour aider à cultiver des plantes plus fortes et plus résistantes au changement climatique. Nous travaillerons en étroite collaboration avec des groupes agricoles et environnementaux pour nous assurer que les bonnes règles sont en place », a-t-il ajouté.
Cette décision intervient malgré les résultats d’une consultation publique indiquant que 87% des sondés exprimaient des craintes quant à cette technique. Liz O’Neill, directrice du groupe de GM Freeze, opposé aux aliments génétiquement modifiés, craint que le Royaume-Uni abandonne ainsi un « filet de sécurité » protégeant le public. Le gouvernement prévoit également d’examiner la réglementation des OGM à plus long terme. Il a souligné que les aliments issus de modifications génétiques ne seront autorisés à être commercialisés que s’il est jugé qu’ils ne présentent pas de risque pour la santé.
Cette exploration de nouvelles formes de manipulations génétiques est largement condamnée par les organisations de protection de la nature. Ainsi, le Comité français de l’UICN a-t-il écrit dans son Manifeste éthique : « Aujourd’hui, des promoteurs des « nouveaux OGM » produits grâce au forçage génétique envisagent aussi bien de lutter contre des espèces envahissantes que de récréer des espèces éteintes. Le forçage génétique offre de fait trois grandes pistes d’utilisation susceptibles d’affecter la biodiversité et le fonctionnement du vivant : réduire les populations d’une espèce, voire l‘éliminer ; modifier les caractéristiques d’une population ou d’une espèce, par exemple la proportion entre mâles et femelles ; protéger une population ou une espèce, par exemple en réduisant sa vulnérabilité à une maladie. Outre les risques spécifiques que ces techniques présentent – risques qui sont loin d’avoir été complètement évalués –, elles posent des questions éthiques fondamentales ,concernant la possibilité de reconstituer des espèces disparues, ou de créer des organismes qui n’existent pas et n’auraient peut-être jamais existé. Parce ce qu’il désire que les relations des êtres humains avec les autres êtres vivants soient fondées sur le respect de leurs existences et de leur intégrité génétique, le Comité Français de l’IUCN s’oppose à l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés, par forçage génétique ou toute technique de manipulation des génomes et de leur fonctionnement, pour des applications dans le domaine de la protection de la nature. Il considère qu’il est bien plus urgent d‘agir directement sur les causes de l’érosion de la biodiversité que d’investir dans la fabrication d’organismes dont l’insertion dans des systèmes écologiques est nécessairement hasardeuse. »