L’administration Trump a proposé jeudi dernier une série de modifications substantielles à l’Endangered Species Act, une loi fédérale qui protège depuis 1973 de nombreuses espèces menacées sur le sol américain, provoquant l’inquiétude des défenseurs de l’environnement. Par ailleurs, plus de 2 700 scientifiques alertent sur les menaces que ferait peser sur la biodiversité la construction du mur voulu par Trump entre les Etats-Unis et le Mexique.
L’Endangered Species Act fait figure de référence, sur le plan mondial, en matière de protection de l’environnement. Adoptée il y a 45 ans sous la présidence de Richard Nixon, cette loi a contribué depuis à sauver des dizaines d’espèces menacées d’extinction, comme le pygargue à tête blanche — le fameux « bald eagle », emblème des Etats-Unis –, le lamantin, la baleine à bosse ou l’alligator américain. Parmi les modifications proposées jeudi par les départements de l’Intérieur (DOI) et du Commerce: la suppression d’une phrase visant à ce que les décisions prises pour la protection des animaux soient dissociées de leurs répercussions économiques. Une autre retouche potentielle supprimerait une clause accordant automatiquement la même protection aux espèces dites « menacées » –amenées à être en danger d’extinction dans un futur proche– qu’aux espèces « en danger d’extinction » immédiat. « Ce changement ne concernera pas la protection dont bénéficient les espèces actuellement classées comme menacées, mais permettra que les espèces qui le seront à l’avenir jouissent d’une protection sur-mesure », a expliqué dans un communiqué l’Office fédéral de préservation de la nature (Fish and Wildlife Service). Ces propositions feront désormais l’objet d’une consultation publique pendant 60 jours. Elles pourraient être adoptées d’ici la fin de l’année. Les associations de défense de l’environnement sont fermement opposées à ces modifications, qui marquent selon elles une tentative de détricoter une loi ayant prouvé son efficacité depuis plus de quatre décennies. Pour John Calvelli, vice-président de la Wildlife Conservation Society, les changements proposés jeudi trahissent « une volonté évidente d’affaiblir l’Endangered Species Act » en ajoutant des « obstacles » et une « paperasserie inutile » qui, « au final », feront planer « un danger plus grand sur des espèces menacées ». Le sénateur démocrate Tom Carper y voit de son côté « un exemple supplémentaire de la priorité donnée par l’administration Trump à l’industrie plutôt qu’aux intérêts du peuple américain. L’Endangered Species Act est une des lois de protection de l’environnement les plus populaires et efficaces de notre pays », a-t-il ajouté. Selon une étudie publiée mercredi dans la revue Conservation Letters, seul un Américain sur dix dit être opposé à la loi de 1973, pourtant régulièrement attaquée.
Par aileurs, la survie de plus de 1.000 espèces animales serait sérieusement menacée si le mur voulu par le président Donald Trump est construit tout le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, ont averti des scientifiques mardi. Le loup du Mexique, le mouflon d’Amérique et l’antilope de Sonora verraient par exemple leurs populations scindées par ce mur, ont expliqué plus de 2.700 chercheurs dans une lettre publiée dans le journal BioScience. Les jaguars et les ocelots, qui n’ont qu’une très faible population en territoire américain, seraient menacés d’extinction. « La construction de clôtures et de murs au cours de la dernière décennie et les efforts déployés par l’administration Trump pour ériger un +mur+ frontalier continu menacent certaines des régions les plus diverses, biologiquement, du continent, préviennent les scientifiques. Les sections du mur déjà construites réduisent la superficie, la qualité et la connectivité des habitats végétaux et animaux, et compromettent plus d’un siècle d’investissements binationaux dans la conservation, ajoutent-ils, déplorant que l’attention politique et médiatique (…) sous-estime ou dénature souvent le tort causé à la biodiversité ».
Quand les populations d’animaux sont fragmentées, il est plus difficile pour eux de trouver de la nourriture, de l’eau et des partenaires pour s’accoupler, et font donc face à des risques plus élevés d’extinction. Une soixantaine d’espèces présentes dans cette région frontalière sont déjà « listées comme étant en danger critique d’extinction, en voie de disparition ou vulnérables par l’Union internationale pour la conservation de la nature », selon les scientifiques. Le mur serait « un crime contre la biodiversité », assène par ailleurs dans un communiqué un co-auteur de la lettre, le professeur à l’université de Stanford Paul Ehrlich. Les chercheurs appellent les autorités américaines à identifier les espèces vulnérables et à concevoir des barrières qui permettent aux animaux de passer autant que possible d’un côté et de l’autre. Une loi adoptée en 2005 aux Etats-Unis donne au département de la Sécurité intérieure le droit de lever des protections telles que la loi sur les espèces en danger –Endangered Species Act– s’il juge qu’elles peuvent ralentir la construction du mur.