Dans le cadre d’un litige entre une ONG allemande et un exploitant hydraulique sur la gestion d’un site soumis aux obligations des directives « habitats » et « oiseaux », la Cour de justice européenne a déclaré que la « gestion normale » d’un site peut inclure des activités agricoles dès lors qu’elles ne remettent pas en cause les objectifs de ces directives.
Un arrêt de la Cour de justice européenne (CJE), rendu dans le cadre d’un conflit autour de la gestion d’un site protégé en Allemagne, créé un précédent législatif sur la question de la responsabilité environnementale. Cette dernière notion est introduite par la directive européenne 2004/35 en vue de prévenir et de réparer, notamment, les dommages environnementaux causés par des activités professionnelles aux espèces et habitats naturels visés notamment dans les directives « habitats » et « oiseaux ». La même directive autorise toutefois aux États membres de prévoir une exonération de responsabilité au profit des propriétaires et des exploitants lorsque les dommages causés aux espèces et aux habitats naturels résultent d’une « gestion normale » du site concerné. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
C’est une telle « gestion normale » de la péninsule d’Eiderstedt, située dans la partie ouest du Land de Schleswig-Holstein et classée « zone de protection » en raison, notamment, de la présence de la guifette noire, un oiseau aquatique protégé, dont l’Allemagne dit avoir fait usage. D’après le plan de gestion, la zone de protection de la guifette noire reste en effet majoritairement exploitée de manière traditionnelle en tant que région de pâturages sur de grandes surfaces. « Pour être habitée et exploitée à des fins agricoles, la péninsule d’Eiderstedt a besoin d’un drainage, explique la CJE dans un communiqué. Pour ce faire, le Deich- und Hauptsielverband Eiderstedt, un syndicat d’hydraulique et de bonification constitué sous la forme juridique d’une personne morale de droit public, exploite une station de pompage qui draine l’intégralité du territoire qu’il couvre. Ces opérations de pompage, qui ont pour effet de réduire le niveau de l’eau, relèvent de sa mission d’entretien des eaux de surface, qui lui a été confiée par la loi en tant qu’obligation de droit public. »
Une ONG environnementale allemande, le Naturschutzbund Deutschland – Landesverband Schleswig-Holstein, a toutefois saisi la justice au nom de la responsabilité environnementale, estimant que l’exploitation avait causé des dommages environnementaux au détriment de la guifette noire, et demandé des mesures de limitation et de réparation de ces dommages. Voyant sa demande rejetée, l’association a saisi le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale d’Allemagne), qui a décidé de demander à la CJE « si et dans quelles conditions une activité telle que l’exploitation d’une station de pompage à des fins de drainage de surfaces agricoles peut être considérée comme ressortant de la ‘gestion normale d’un site’ au sens de la directive 2004/35« .
Dans son arrêt du 9 juillet 2020, la Cour a relevé que la notion de « gestion normale d’un site » doit être comprise comme « englobant toute mesure permettant une bonne administration ou organisation des sites abritant des espèces ou des habitats naturels protégés conforme, notamment, aux pratiques agricoles couramment admises. » Une gestion d’un site rentrant dans le cadre des directives « oiseaux » et « habitats » ne pourra donc être « normale » que « si elle respecte les objectifs et les obligations prévus dans ces directives et, notamment, l’ensemble des mesures de gestion adoptées par les États membres sur le fondement desdites directives, telles que celles contenues dans les cahiers d’habitat et les documents d’objectifs visés à l’annexe I, troisième alinéa, deuxième tiret, de la directive 2004/35. » Dans ces conditions, la Cour, qui ne tranche pas sur le litige national mais interprète le droit de l’UE, a considéré que la gestion normale d’un site peut, notamment, inclure les activités agricoles exercées sur le site, y compris leurs compléments indispensables comme l’irrigation et le drainage, et, partant, l’exploitation d’une station de pompage, dès lors qu’elles ne remettent pas en cause la satisfaction des objectifs et obligations prévus dans les directives « habitats » et « oiseaux ».
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