Nouveau coup dur pour l’usine d’alumine du groupe Alteo à Gardanne : deux juges marseillais vont enquêter sur ses rejets, régulièrement pointés du doigt par des militants écologistes.
Une information judiciaire a été ouverte par le pôle santé du tribunal de grande instance de Marseille, après le dépôt d’une plainte en avril 2018 pour mise en danger de la vie d’autrui par huit personnes. L’enquête judiciaire, qui porte sur la période allant du 21 juin 2012 à juillet 2018, a été ouverte notamment pour « infraction à la législation sur les installations classées », a précisé à l’AFP le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux. En 50 ans Altéo a envoyé dans la mer, dans le parc national des Calanques, entre Marseille et Cassis, au moins 20 millions de tonnes de ces « boues » chargées d’arsenic ou de cadmium. Fin 2015, l’Etat l’a autorisé à poursuivre pour six ans son activité de production d’alumine tout en cessant le rejet en mer de « boues rouges » solides remplacé par un liquide filtré. En 2018, les opposants aux « boues rouges » ont remporté une première victoire en obtenant, devant le tribunal administratif, une réduction de deux ans, à fin 2019, le délai accordé par l’Etat à l’usine pour mettre ces rejets liquides en conformité avec les normes environnementales. Quant aux déchets solides, ils sont stockés depuis 2016 sur le site en plein air de Mange-Garri, vaste espace dans la pinède à Bouc-Bel-Air, près de Gardanne. L’autorisation de stockage expire en 2021.
Pour les plaignants, parmi lesquels des riverains de la zone de stockage, un pêcheur de La Ciotat, ainsi que l’ONG écologiste ZEA, les rejets liquides demeurent polluants pour le milieu marin tout comme les boues entreposées, chargées selon eux d’arsenic et de mercure, à proximité de l’usine et dont les poussières, un jour de fort mistral, avaient recouvert de nombreuses habitations. L’enquête judiciaire « est une très bonne nouvelle même si cela va prendre du temps, il y aura un procès Alteo », a réagi auprès de l’AFP Olivier Dubuquoy, un des responsables de ZEA qui multiplie les manifestations sur le site et les opérations coups de poing. Le 12 février, ses militants ont par exemple déversé un chargement de « boues rouges », prélevées sur le site de Mange Garri, devant les portes du ministère de la Transition écologique, à Paris. Alteo a de son côté assuré qu’il s’agissait en réalité de minerai de bauxite et a porté plainte pour vol. Dans leur plainte contre X, les opposants visent également l’Etat qui selon eux a sacrifié l’environnement et la santé des habitants à la logique économique et la sauvegarde des emplois sur un territoire déjà éprouvé par la fermeture prochaine de sa centrale à charbon. Opposée à la demande d’Alteo de poursuivre les rejets d’effluents industriels, Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement avait dû s’incliner devant le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l’Economie… Emmanuel Macron. Pour l’avocate de ZEA, Hélène Bras, l’enquête judiciaire est « une avancée majeure qui va mettre en exergue les errements de l’Etat et de l’entreprise aussi bien sur les rejets solides que les rejets en mer. Désormais la peur a changé de camp », estime l’avocate. Alteo a de son côté toujours soutenu que les résidus de bauxite stockés n’étaient pas dangereux et assuré « poursuivre les efforts » pour améliorer la qualité de ses rejets liquides. « Les rejets d’eaux résiduelles en mer ne sont pas toxiques et ne présentent pas de risque sanitaire », affirme l’entreprise. Vendredi elle inaugure une nouvelle unité de production d’alumine et la mise en service d’une station de traitement des eaux résiduelles par injection de CO2. Alteo produit des éléments pour l’industrie électronique et emploie à Gardanne 450 personnes.