L’huile de palme n’est pas une énergie renouvelable ! (2 mn 30)

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C’est le Conseil constitutionnel qui l’écrit, dans une décision défavorable à Total

Très mauvaise nouvelle pour Total. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 juillet 2019 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité, soulevée par la Société Total raffinage France, qui contestait la conformité à la Constitution d’un article de la loi de finances 2019. Cet article instituait une incitation fiscales aux agro-carburants, en accordant aux entreprises productrices de carburant une diminution du montant de la taxe prévue par cet article,  proportionnelle à la part d’agro-carburants incorporés. Jusque-là, pas de problème pour Total. Mais cet article précise qu’on ne peut pas considérer comme des agro-carburants les carburants issus de l’huile de palme, sans possibilité de démontrer que cette huile a été produite dans des conditions permettant d’éviter le risque de hausse indirecte des émissions de gaz à effet de serre. L’énergie produite à partir de cette matière première n’est donc pas prise en compte dans la proportion d’énergie renouvelable et ne permet donc pas de diminuer le montant de la taxe. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Or Total avait prévu de d’alimenter en grande partie avec de l’huile de palme son usine de La Mède (Bouches-du-Rhône). Fermée en 2015, cette raffinerie de pétrole brut a été reconvertie pour un coût de 275 millions d’euros, en conservant 250 emplois sur 430. Elle devait initialement fournir du « biodiesel » pour le transport routier et du « biojet » pour les avions pour le marché français. Selon Total, l’article contesté de la loi de finances mettait à bas le modèle économique de La Mède, et lui coûterait de 70 à 80 millions d’euros par an. Le groupe a donc saisi le Conseil constitutionnel, en espérant faire censurer cette disposition, au motif quelle serait une « discrimination » contre l’huile de palme. Total soutenait que cette exclusion de principe, sans possibilité de démontrer une absence de nocivité pour l’environnement de certains modes de culture de l’huile de palme, ne serait pas en adéquation avec l’objectif du législateur d’accroître l’incorporation d’énergies renouvelables dans les carburants. Les dispositions contestées institueraient en outre une différence de traitement injustifiée entre les carburants à base d’huile de palme et ceux issus d’autres plantes oléagineuses, dont la production ne serait pas toujours moins émettrice de gaz à effet de serre. Le Conseil constitutionnel allait-il trouver des différences de situation suffisantes pour justifier une différence de traitement, entre l’huile de palme, d’une part, et les autres sources ou composants de biocarburants ? Réponse : oui, sans ambiguïté. En constatant que l’huile de palme se singularise par la forte croissance et l’importante extension de la surface mondiale consacrée à sa production, en particulier sur des terres riches en carbone, ce qui entraîne la déforestation et l’assèchement des tourbières, le Conseil a considéré que l’appréciation par les députés et les sénateurs des conséquences pour l’environnement de sa culture des matières premières en question n’est pas contraire à l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement.

Le vote de cette disposition fiscale, fin 2018, par les députés de la majorité parlementaire avait suscité la fureur du patron de Total, qui estimait qu’il s’agissait d’un « changement de règles du jeu » en cours de route. Invité devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée mi-septembre, il avait averti que si cet avantage n’était pas rétabli, les engagements pris par le groupe lors de la reprise de La Mède ne seraient plus d’actualité. Il a également défendu la possibilité d’exporter cette production vers l’Allemagne, où la fiscalité est différente, plutôt que de la destiner au marché français. Il avait également menacé : si cette disposition devait être maintenue, « nous en tirerons les conséquences, y compris sur les futurs investissements dans le pays ».

La décision du Conseil constitutionnel

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