Le troisième rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD) pose brutalement la question : les populations d’insectes sont-elles en train de disparaître en France ?
En 2019, pour la troisième fois depuis la mise en place de la directive européenne « Habitats, Faune, Flore » en 1992, chaque État membre a procédé à l’évaluation de l’état de conservation de la faune, de la flore et des habitats d’intérêt communautaire présents sur son territoire. Pour la France, le bilan reste proche de celui des deux exercices précédents : seulement un cinquième des évaluations concernant les habitats et un quart de celles portant sur les espèces concluent à un état favorable. Si une tendance positive est observée pour certaines espèces, en lien avec les mesures de protection dont elles bénéficient, les tendances à la dégradation restent globalement préoccupantes. Les écosystèmes marins, littoraux, humides et aquatiques figurent parmi les plus menacés.
Les auteurs de l’étude attirent particulièrement l’attention sur la situation des insectes :en tant que pollinisateurs, recycleurs de nutriments ou encore proies pour les autres animaux, ces derniers constituent un maillon essentiel des chaînes alimentaires et un groupe indispensable au bon fonctionnement de tout écosystème.
47 espèces d’insectes d’intérêt communautaire étaient soumises à évaluation. 110 évaluations complètes ont pu être effectuées, concernant 44 espèces (23 papillons, 10 coléoptères, 10 libellules et 1 sauterelle). 35 % des évaluations concluent à un état de conservation favorable, 56 % à un état défavorable et 11 % à un état inconnu. Les ordres de grandeur sont à peu près les mêmes pour les papillons et les coléoptères ; pour les libellules, la proportion d’états favorables est plus importante (44 %). La région biogéo- graphique alpine, qui ne compte que 9 % de mauvais états, est celle où la part d’évaluations favorables est la plus forte (52 %). La région atlantique est celle où les insectes sont dans la situation la plus délicate, avec deux tiers d’évaluations défavorables (dont un quart d’états mauvais), suivie de peu par la région continentale (61 % d’évaluations défavorables, dont plus d’un tiers d’états mauvais). Les insectes associés aux écosystèmes aquatiques et humides sont particulièrement concernés, les deux tiers se trouvant dans un état de conservation défavorable.
Quasiment aucune tendance positive n’est observée chez les insectes évalués sur la période 2013-2018. Les tendances sont stables dans 42 % des évaluations et la proportion de tendances inconnues compte parmi les plus élevées (35 %, jusqu’à 46 % pour les coléoptères). Les insectes associés aux prairies, landes et fourrés, principalement des papillons, ont la plus forte tendance au déclin (27 % des évaluations relatives à ce grand type d’écosystèmes). Ces résultats sont cohérents avec ceux d’autres travaux ou évaluations, comme les Listes rouges nationales (UICN) ou l’étude publiée en octobre 2017 par la revue PLoS One.Celle-ci indiquait une diminution d’environ 75 % de la biomasse des insectes volants, sur la base d’un suivi effectué sur près de trente ans dans une soixantaine d’aires protégées allemandes.
Les experts s’accordent sur le fait que le déclin des insectes s’explique principalement par la destruction ou la perturbation de leurs habitats, mais aussi par l’intensification des pratiques agricoles et sylvicoles. Le recours accru aux pesticides, néonicotinoïdes notamment, a conduit à des mortalités importantes.