Faire flaque

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Carte postale arlésienne – En direct du festival Agir pour le Vivant 2023 (2/5)

On n’est pas complotiste, hein, pas du tout ! Mais tout de même il y a des coïncidences qui interrogent. Programmer une journée intitulée Faire corps précisément le jour du pic de la canicule, quand le thermomètre à Arles dépasse les 42 °C, qui peut nous faire croire que c’est un hasard ? Encore un coup pour nous ressasser le refrain sur le changement climatique, ses effets déjà concrets, l’urgence d’agir, toujours les mêmes histoires…

Ah, il fallait les voir, les corps des participants au festival, en voie de liquéfaction accélérée, naviguant sous un soleil de plomb d’une terrasse à une autre comme entre deux oasis, ou dans les lieux des conférences transformés en sauna s’éventant frénétiquement en tentant de garder une oreille attentive aux propos du prix Goncourt Nicolas Mathieu ou du philosophe Achille Mbembe. Réaliser intimement que nos corps ne sont pas de simples outils, mais bien le lieu et la condition même de notre être-au-monde, qui était l’un des propos de la journée, n’était pas très compliqué : il suffisait de sortir dans la rue !

Il est évidemment salutaire de consacrer une journée au corps, à nos carcasses terrestres, à leur matérialité, à leur vulnérabilité, à leurs plaisirs et à leurs souffrances, dans une programmation dont certains intitulés, par ailleurs, paraissent un peu perchés. Nicolas Mathieu n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que la pensée, c’est de l’influx électrique entre des neurones, c’est encore du corps ! (« Si vous vous tirez une balle dans le cerveau, après ça marche moins bien… »). Éprouver son corps à travers la danse, voire la poésie, est toujours bienvenu. Il peut toutefois y avoir un côté auto-complaisant, un peu nombriliste, dans ce projet de parler de corps dans l’entre-soi d’une assemblée globalement bien portante et bien dotée. C’est dans les interstices de la programmation que d’autres corps se sont glissés. Dans la rencontre avec Clara Arnaud, dont le roman Et vous passerez comme des vents fous paraissait hier. Les corps qu’on y rencontre sont ceux de brebis, de bergers, d’ours. Une escapade dans les brumes ariégeoises, avant de retourner faire flaque dans la touffeur arlésienne.

Au menu aujourd’hui : Ecologie sociale.

A demain