La Convention sur la biodiversité biologique (CBD) a fini samedi une semaine de négociations, bousculées par le coronavirus, qui visent à établir un vaste plan à l’horizon 2050 pour protéger les écosystèmes et gérer durablement les ressources naturelles.
D’abord prévues en Chine, qui doit accueillir en octobre la 15e réunion de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15), ces négociations ont été déplacées en dernière minute à Rome à cause de l’épidémie de coronavirus et des négociateurs chinois n’ont pas pu s’y rendre. L’Italie est devenue entretemps un foyer de propagation de la maladie. La lutte contre le changement climatique s’appuie depuis 2015 sur l’Accord de Paris : les Etats s’engagent à agir pour contenir le réchauffement bien en-dessous de 2°C, à rendre compte régulièrement de leurs émissions de gaz à effet et de leurs actions.
Rien d’équivalent aujourd’hui pour préserver les écosystèmes, dont la dégradation et la disparition constituent une lourde menace pour l’humanité, à qui ils fournissent eau, air, alimentation… Pendant six jours, les négociateurs réunis dans la capitale italienne ont discuté des propositions rendues publiques mi-janvier par la Convention sur la biodiversité biologique (CBD). Elles comportent des objectifs à atteindre d’ici 2050, avec un point d’étape à 2030. D’autres portent sur les mesures à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et le suivi de leur application. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Les pays présents se sont exprimés sur leur contenu, qui sera négocié plus tard ligne par ligne. Parmi les propositions, des aires protégées couvrant « au moins [30%] des zones terrestres et marines avec au moins [10%] sous stricte protection » (les chiffres entre crochets étant à débattre). Cette proposition est portée par une coalition d’une trentaine de pays menée par la France et le Costa Rica. Le texte propose aussi de réduire d’ici à 2030 « d’au moins [50%] la pollution » par les fertilisants, utilisés notamment en agriculture, les biocides (désinfectants, insecticides…), le plastique ou encore contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique via des solutions basées sur la nature.
Cette semaine de négociations a permis d' »augmenter l’ambition », a estimé Elisabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive de la CBD, lors d’une conférence de presse. Une nouvelle version du texte va permettre de poursuivre les négociations. La situation est dramatique, avec une dégradation de la nature (…) sans précédent dans l’histoire de l’humanité, selon l’IPBES, les experts de l’ONU en biodiversité. Pour WWF, le texte qui sera adopté en octobre et fixera un cadre pour les décennies à venir doit s’attaquer aux secteurs contribuant à la perte de biodiversité, dont l’agriculture ou la pêche. Certains pays souhaitent pourtant « se focaliser sur une protection plus traditionnelle de la biodiversité », sans s’attaquer aux modes de production et de consommation, selon Marco Lambertini de WWF. L’ONG « s’inquiète du manque de progrès », complète Guido Broekhoven, de WWF International. « Nous avons une planète (…) et huit mois » pour mener à bien les négociations, abonde Shuo Li de Greenpeace.
Parmi les questions importantes qu’il faudra résoudre, il y a celle du financement, ont reconnu Basile van Havre et Francis Ogwal, qui coprésident les négociation Autre source d’inquiétude, il y a eu « des velléités de retirer les mots plastiques et pesticides » du texte, indique Yann Wehrling, ambassadeur environnement pour la France, pour qui ce serait une erreur. Il faudra voir « comment est-ce que la CBD pourra travailler avec les autres conventions et institutions internationales » comme la FAO pour l’agriculture ou l’OMC pour le commerce international, explique Aleksandar Rankovic, expert à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Le Brésil constitue un cas particulier, selon plusieurs participants. Ses représentants ont fait « des propositions qu’il savent inatteignables » pour ralentir les discussions. Au-delà d’objectifs ambitieux, « il faut que les parties rendent compte plus souvent, de façon transparentede leurs actions, qu’elles soient examinées » et que soit mis en place à intervalle régulier une évaluation mondiale des progrès réalisés, estime Gaute Voigt-Hanssen, chef-négociateur pour la Norvège, une revendication partagée par de nombreux participants. Concernant le risque que la COP15 en Chine soit annulée, la CBD s’est voulue rassurante. « Tout est en place » à Kunming, a assuré Elisabeth Maruma Mrema.
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